Deux soeurs ont été condamnées aujourd'hui à une amende de 3000
euros chacune dont la moitié avec sursis pour discrimination, parce
qu'elles avaient refusé de vendre une maison à un couple d'origine
algérienne en 2009 à Lens. Elles ont également été condamnées par le
tribunal correctionnel de Béthune à leur verser solidairement 2000 euros
au titre du préjudice moral et 2.500 euros pour le préjudice financier.
Une même peine de 5000 euros d'amende avait été requise le 8 mars par
le procureur.
"Je ne veux pas d'Arabes dans la maison"
Alors que le compromis de vente était sur le point d'être signé par
toutes les parties, la transaction a finalement été annulée et la maison
vendue à un autre couple. Peu après, la secrétaire de l'agence
immobilière par l'intermédiaire de laquelle les époux Blamm, un couple
de trentenaires français d'origine algérienne, devaient acquérir la
maison, avait affirmé que l'une des prévenues, Gertrude Lesage, lui
avait demandé la nationalité des acheteurs potentiels. Selon la
secrétaire, celle-ci lui avait rétorqué: "pour la tranquillité du
voisinage et le souvenir de ma mère", décédée quelques mois avant, "je
ne veux pas d'Arabes dans la maison".
Des propos que l'intéressée a niés à l'audience du 8 mars, reconnaissant
toutefois avoir posé cette question, mais parlant d'une "maladresse"
dénuée selon elle de toute intention discriminatoire.
L'agent immobilier a déclaré qu'Elisabeth Lesage, mandatée pour signer
la vente, lui avait expliqué qu'elle avait signé avec une autre agence
"cette fois-ci avec de bons Français". Celle-ci avait affirmé que ces
termes ne lui appartenaient pas, expliquant que la deuxième offre, du
même montant de 125.000 euros, lui paraissait plus fiable, car émanant
d'un couple qui était employé en contrat à durée indéterminée. De plus,
le montage financier lui paraissait plus sérieux. Présentant leurs
excuses au couple, les deux prévenues avaient évoqué un "terrible
malentendu".
La plaignante, Dalila Blamm, s'est dite satisfaite que les deux
prévenues aient été déclarées coupables. Selon elle, "il ne pouvait pas
s'agir d'un malentendu", expliquant avoir eu le sentiment d'un "grand
coup de marteau sur la tête" lors de cet événement "traumatisant pour
l'ensemble de la famille".
Selon son avocat Me Jean-Bernard Geoffroy, il est "très rare" que la
justice condamne dans des affaires de discrimination à l'achat. "Cette
décision, si elle devient définitive, peut avoir valeur d'exemple" et
"peut inciter les victimes de discrimination à porter plainte et leur
permettre de faire confiance aux institutions judiciaires", a-t-il
estimé.
Si "l'essentiel" était pour lui la déclaration de culpabilité des deux
prévenues, il s'est félicité que le tribunal ait reconnu le préjudice
économique de ses clients, qui ont "été obligés" d'acheter un bien plus
cher.
Le traitement judiciaire des affaires de ce type est souvent rendu
difficile par "l'absence de témoins", a souligné l'avocat, saluant
l'attitude de l'agence immobilière. Le tribunal a également condamné les
deux prévenues à verser 750 euros de dommages et intérêts à SOS
Racisme, qui s'était porté partie civile.
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/04/17/97001-20120417FILWWW00460-2-surs-condamnees-pour-discrimination.php