ORLANDO (Floride). Une loi censée protéger, mais qui autorise à tuer. Le paradoxe n’a pas échappé à Brandon Northington, 23 ans pour une double raison : il est noir et étudiant en droit. Cette loi baptisée « Stand your ground » (« Défendez votre territoire »), adoptée en Floride en 2005 est directement mise en cause depuis que Trayvon Martin, un lycée de 17 ans qui rentrait chez son père, a été abattu par George Zimmerman, un vigile autoproclamé mais armé.
Le texte défend le droit de toute personne qui se sent menacée, même dans un lieu public, à rester sur place pour « défendre son territoire », y compris en usant d’une force létale. Les policiers de Sanford, ville où s’est produit le drame, ont invoqué cette loi pour justifier l’absence de poursuite contre le meurtrier, qu’ils ont laissé en liberté. Les statistiques montrent que la loi, au lieu d’améliorer la sécurité, a provoqué une explosion des « homicides justifiés » et donc impunis.
« A première vue, l’affaire Trayvon Martin n’est pas un problème racial. C’est simplement une horrible injustice : un garçon sans arme tué par un adulte que l’on ne juge même pas. Il dort dans son lit depuis plus d’un mois ! Je ne peux pas y croire ! lance Brandon Northington. Je ressentirais la même chose si la victime était blanche…. Le problème est que dans ce cas, personne n’en parlerait, car le meurtrier aurait été arrêté ».
L’étudiant parle vite. Comme des centaines de milliers de jeunes, il est bouleversé par l’événement. Et participe aux marches de protestation qui réclament l’interpellation du meurtrier, dénonçant le « profiling », autrement dit la tendance à voir un délinquant en chaque garçon noir.
En réalité, à ses yeux, le facteur racial explique « évidemment » la mort violente de Trayvon Martin. Brandon Northington prononce la phrase la plus entendue ces jours-ci du côté de Sanford : « Imaginez qu’un Noir ait tué un adolescent blanc ! » Il semble en être presque désolé. « C’est décourageant. Mais être jeune et noir dans le Sud, c’est être constamment sur ses gardes. Un regard, une expression peut tout faire basculer ». Lui-même,dont l’habillement est ultra classique et la fine moustache bien sage, le vit au quotidien. « Dans les magasins, les vendeurs me surveillent et me suivent. Des policiers m’ont arrêté sans autre raison que le fait de passer devant une boutique chic. Ils n’imaginent pas une seule seconde que je suis étudiant en droit ».
La mobilisation générale pour que « justice soit rendue » l’émeut. « Voir des gens de toutes couleurs de peau marcher pour défendre un enfant ! C’est juste une question d’humanité ». Brandon Northington veut devenir avocat. « Ces événements me rappellent pourquoi je fais mon droit : pour aider les sans-voix ». Il a l’impression de renouer avec la grande histoire des luttes américaines pour les droits civiques. « Je sais que si j’ai accédé à l’université, si je vote, c’est parce que nos aînés ont marché, manifesté. Défiler à mon tour me donne un coup de vieux ! Les marches pacifiques pour Trayvon sont une expérience très émouvante pour ma génération ». La conviction de manifester pour, d’une certaine manière, « stand our ground » : défendre simplement le droit d’être là, sans être pris pour cible. Ni par des regards ni par des revolvers.
mardi 3 avril 2012
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