Consul honoraire de Côte d'Ivoire dans la région, Roland Roux de Chavanes est également président de l'Union des consuls honoraires de France, dont le siège est à Lyon. Une fonction méconnue. Interview.
Comment vous êtes devenu consul honoraire de Côte d'Ivoire ?
Roland Roux de Chavanes : J'ai travaillé pendant plus de douze ans en Côte d'Ivoire où j'ai dirigé la branche Afrique de l'entreprise américaine Union Carbide. Quand j’ai quitté ce pays, en 1986, le président ivoirien Félix-Houphouët Boigny, avec qui j'avais de très bonnes relations, m'a dit : “Mon fils, j'aimerais bien que tu continues à aider la Côte d'Ivoire là où tu seras”. Je lui ai répondu que ce serait avec grand plaisir mais que je ne voyais pas bien comment. Quelques années plus tard, en 1992, il m'a nommé consul honoraire de Côte d'Ivoire.
C’est une fonction purement honorifique ?
Non, j’ai les fonctions d’un consulat général car on délivre les documents administratifs comme les passeports, les visas, les certifications de décès... De plus dans ma circonscription, je dois m'occuper de plus de 5 000 ressortissants ivoiriens. Enfin, ma mission, c'est également de favoriser les échanges économiques, culturels et diplomatiques entre la Côte d’ Ivoire et la région.
Concrètement, qu’est-ce que vous faites pour développer cette coopération économique ?
Malgré la crise, ce pays enregistre une croissance de 3 % et il dispose de vrais atouts. D'ailleurs, l'année dernière, j'ai emmené 30 chefs d'entreprise de la région en Côte d'Ivoire pour leur faire rencontrer les dirigeants politiques et économiques.
Résultat de ce voyage ?
Des contacts intéressants qui ont permis par exemple à Boccard, une entreprise lyonnaise spécialisée dans l'ingénierie nucléaire et pétrolière, d’ouvrir une filiale à Abidjan.
Mais ce conflit n’inquiète pas les investisseurs ?
Depuis l'accord de paix signé en 2007, la situation en Côte d'Ivoire s'est nettement améliorée. D’ailleurs, le chef des rebelles du nord, Guillaume Soro, a été nommé premier ministre par le président Gbagbo. Un symbole très fort, car c'est Soro qui en 2002 avait tenté de faire un coup d'Etat. Ce qui avait coupé le pays en deux avec le Nord contrôlé par la rébellion et le Sud du pays par Gbagbo.
Le pays est vraiment stabilisé ?
La guerre est finie et de plus en plus de ressortissants français, qui ont dû quitter la Côte d'Ivoire au moment de la guerre, retournent dans ce pays aujourd’hui. D'ailleurs, il n'y a plus une villa à louer à Abidjan.
Vous soutenez le régime politique en Côte d'Ivoire?
J'ai de très bonnes relations avec les dirigeants ivoiriens mais aussi avec les principaux opposants. En revanche, je ne fais pas de politique mais du diplomatique. Ma mission, c’est de représenter la Côte d’Ivoire.
Vous êtes en relation avec le ministère français des Affaires étrangères ?
J’ai accès au ministère des Affaires étrangères. Mais ce sont des contacts informels car les interlocuteurs du Quai d'Orsay, ce sont d’abord les ambassadeurs et non pas les consuls. Ce que je regrette d’ailleurs car nous jouons un rôle essentiel.
Mais vous en référez au Quai d’Orsay !
Non, je règle mes affaires à l'africaine. Et je ne reçois des instructions que du ministre des Affaires étrangères ivoirien. D’ailleurs, en cas de besoin, je rencontre le Premier ministre et le Président de la république de Côte d'Ivoire
Et vous avez des contacts avec les renseignements ivoiriens ?
Ici dans la région, je suis leur meilleur agent de renseignements ! Par contre, si j'ai besoin d'une information sur un ressortissant qui a commis des méfaits dans la région et que les Ivoiriens sont en mesure de me la donner, ils me la délivreront.
Mais avouez que les consuls honoraires ont une mission essentiellement mondaine !
C’est vrai que les consuls honoraires sont souvent dans les cocktails, les galas... Et d’ailleurs, ça peut faire partie de leur mission qui est de représenter leur pays. Mais ça ne se limite pas à des mondanités.
Vous êtes bien payé ?
On n'est pas rémunéré pour cette fonction qui est bénévole. Notre véritable titre, c'est consul ad honorem, littéralement consul pour l'honneur. Mais on bénéficie d’une immunité diplomatique dans le cadre de notre fonction et non pas dans notre activité professionnelle.
Mais vous êtes mal vu par les diplomates de métier !
On a une vraie légitimité dans la région, mais c’est vrai que parfois à Paris, les consuls honoraires sont parfois critiqués par le ministère des Affaires étrangères qui ne s'intéresse pas vraiment à nous.
Mais certains consuls honoraires ont utilisé leur fonction pour faire du business personnel !
Il y a eu des brebis galeuses. Certains avaient même acheté leur titre. Mais c'est fini cette époque où certains devenaient consuls honoraires pour avoir un titre, un réseau... Et faire du business. Aujourd'hui, les consuls honoraires sont vraiment impliqués dans la diplomatie régionale.
Et vous, vous faites du business avec la Côte d’Ivoire ?
Ça m’arrive mais c’est loin d’être la principale source de mon activité. En tout cas, quand ça m’arrive, je sépare nettement les deux.
Mais aujourd'hui encore, certains consuls honoraires ne connaissent rien au pays qu’ils représentent ?
Non, c’est impossible aujourd’hui. Car un consul est toujours nommé parce qu’il a au contraire une bonne connaissance du pays qu’il va représenter et où il a souvent vécu plusieurs années. En revanche, certains consuls honoraires ont un vrai besoin de formation. D'ailleurs, en partenariat avec l'EM Lyon et le Centre d'études de diplomatie et de stratégie à Paris, l'Union des Consuls honoraires de France, a mis en place une formation spécifique.
“Excellence”
Patron de Taplow Consulting France, une entreprise de “chasseur de têtes”, Roland Roux de Chavanes, 62 ans, est issu d'une famille de soyeux lyonnais. Mais il est né en Espagne où son père était cadre dirigeant chez Saint-Gobain. Puis il va passer sa jeunesse en Belgique et aux Pays-Bas avant de rentrer en France, où il intègre l’Ecole de commerce de Lyon. Embauché à 25 ans par l'Oréal, cet expatrié de naissance fera l'essentiel de sa carrière à l'international. Il parle d’ailleurs anglais et espagnol et baragouine le Baoulé, la langue de la principale ethnie de Côte d'Ivoire. Dans son bureau, trône le portrait de son “ami” Félix Houphouët Boigny, premier président de la Côte d'Ivoire. “Il y avait celui de Laurent Gbagbo mais on me l'a piqué !”, précise-t-il de sa voix calme et rassurante. En Côte d'Ivoire, on l'appelle “Excellence”, comme les ambassadeurs. “C'est un peu gênant au début, mais on s'y fait. Ils sont très respectueux des codes.” Marié et père de trois enfants dont un travaille dans la finance à Dakar, cet homme d'affaires-diplomate est un grand amateur de voile. Et un amoureux de la Côte d'Ivoire, son «deuxième pays». D’ailleurs, c’est lui qui présidait la commission chargée d’organiser la présidentielle, avant que le président Gbagbo ne prononce en février la dissolution du gouvernement en repoussant cette élection, une fois de plus. Mais évidement, ce diplomate préfère ne pas commenter cette décision qui a provoqué de nombreuses protestations en Côte d’ Ivoire et une répression musclée.