Un collectif intitulé "Notre histoire c'est notre avenir" dénonce l'introduction de l'histoire africaine dans les programmes. Historiens et Education nationale s'inscrivent en faux.
Les programmes d'histoire de l'Education nationale au collège sont en train de changer depuis l'année 2009. Cette année, ce sont les classes de cinquième qui sont concernées. Et l'arrivée de ces nouveaux programmes ne se fait pas sans remue-ménages.
Depuis juillet dernier, un collectif baptisé "Notre histoire c'est notre avenir" a lancé une campagne "pour promouvoir et défendre l'histoire de France et son enseignement dans l'Instruction publique". En ligne de mire : l'enseignement de l'histoire africaine prévue par les nouveaux programmes (décidés lors du passage à l'Education nationale de Xavier Darcos). Ceux-ci, selon le collectif, auraient sacrifié l'enseignement de Louis XIV et Napoléon au profit de celui de l'histoire de l'Afrique. L'historien Dimitri Casali, l'une des principales voix qui ont porté le débat sur le devant de la scène, assure ainsi que le programme de quatrième comporte l'étude des traites négrières (3 heures) "alors que toute l'histoire de la Révolution et l'Empire est expédiée en moins de 8 heures". De même, Louis XIV, serait désormais étudié en fin de programme de cinquième "au terme d'un énorme programme sur lequel on se sera longuement attardé sur les civilisations africaines du Monomotopa et Songhaï et sur la traite orientale". Et d'ajouter : "Le risque pour Louis XIV d'être totalement passé sous silence est donc évident".
Des soutiens très politisés
C'est Benoît Crespin qui a rendu populaire ce sujet en créant un groupe du même nom sur Facebook (près de 6.800 membres à ce jour) et en lançant une pétition en ligne (environ 5.000 signatures).
En Master 2 de ressources humaines au Celsa, ce militant à l'UNI et au CNI explique sa position à Nouvelobs.com : "Le risque, c'est que les collégiens n'entendent plus parler de Louis XIV et Napoléon. Il faut aller à l'essentiel au collège. Or, l'essentiel n'est pas l'étude des civilisations africaines médiévales".
Le collectif a également recueilli le soutien de nombreuses personnalités. Max Gallo a dit craindre un "zapping" de l'histoire. Eric Zemmour a expliqué qu'on offrait ainsi "un smic culturel à toute une génération"…
Ou encore Jean-Marie Le Pen qui, dans un discours aux militants du Front national de la jeunesse, a déploré l'étude "de civilisations lointaines telles que celle de l'empire africain du Monomotopa".
De son côté, Dimitri Casali martèle que l'enseignement de l'histoire de Napoléon est supérieur à celui de l'histoire africaine car Bonaparte est "un formidable exemple d'intégration" ("un petit immigré qui ne parle pas un mot de français jusqu'à l'âge de 10 ans").
Une vision de l'histoire "conservatrice"
A y regarder de plus près, dire que Napoléon et Louis XIV disparaissent des programmes est un raccourci. Un simple coup d'œil aux programmes officiels permet de s'en persuader. Benoît Crespin en convient d'ailleurs en affirmant que cela "fait partie de notre communication". Le vrai problème qui transparaît dans le texte du collectif semble surtout être l'enseignement de l'histoire africaine au motif que cela ne fait pas partie de "notre" histoire. Le choix des mots est révélateur. Les programmes de cinquième font en effet mention de quatre propositions de civilisations à étudier : les empires du Mali, du Ghana, du Songhaï ou le Monomotopa. Le collectif ne met l'accent que sur les deux derniers sujets, c'est-à-dire les plus "exotiques".
Par ailleurs, ce même programme fait bien état de Louis XIV. Un chapitre entier est consacré à "l'émergence du 'Roi absolu'". Le bémol viendrait selon le collectif du fait que ce chapitre est étudié en fin d'année et risque donc de passer à la trappe faute de temps. Les enseignants apprécieront.
Même chose pour Napoléon qui est étudié en quatrième dans un chapitre intitulé "La révolution et l'empire". Les critiques pointent le fait que cet enseignement n'est plus chronologique et que chaque bataille napoléonienne n'est pas nécessairement mentionnée. Mais l'histoire chronologique abandonnée au profit d'une histoire plus réflexive, ce n'est pas nouveau. Le directeur du Centre d'études des mondes africains (CEMAf), Pierre Boilley, interrogé par Nouvelobs.com, explique que cette vision de l'histoire est "conservatrice" et tient plus du "roman national" que de l'histoire comme objet d'étude.
Le ministère rejette les critiques en bloc
Au final, la critique principale est que les grandes figures telles qu Napoléon ou Louis XIV ne sont pas assez (ou assez bien) enseignées. Une critique que le ministère de l'Education nationale rejette en bloc. Interrogé par Nouvelobs.com, l'historien et doyen du groupe histoire-géographie de l'Education nationale, Laurent Wirth parle sans ambages : "Cette polémique n'a aucune raison d'être. Il suffit d'ouvrir les programmes pour voir que Louis XIV et Napoléon y figurent. Ces gens ne supportent tout simplement pas qu'on introduise l'histoire de l'Afrique dans les programmes".
Peut-être que le collectif a-t-il tout simplement pris trop à cœur les mots du chef de l'Etat prononcés à Dakar en 2007 ? "Le problème de l'homme africain, c'est qu'il n'est pas assez rentré dans l'histoire".
samedi 9 octobre 2010
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