Un demandeur d’emploi lyonnais a porté plainte pour discrimination à l’embauche liée à son origine. Saisie du dossier par la Licra, la Préfecture du Rhône a signalé l’entreprise à la justice
La Préfecture est rarement saisie d’un dossier de discrimination à l’embauche, la Licra préférant privilégier la conciliation pour préserver au mieux les intérêts des victimes.
Pourtant, le 18 mai, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme a informé les services de l’Etat, d’une affaire de discrimination concernant un demandeur d’emploi lyonnais dont le nom a une consonance étrangère. Au vu des documents fournis par l’association, le préfet délégué pour l’égalité des chances n’a pas hésité. « Les faits sont clairs et avérés », a déclaré hier au Progrès Alain Marc. « Pour nous, services de l’Etat, il n’était pas imaginable de ne pas transmettre ce dossier à la justice. » La Préfecture du Rhône a décidé d’engager l’article 40 et de faire un signalement caractérisé de délit de discrimination.
Une discrimination, Ali (1) ne doute pas qu’il en a été victime. D’ailleurs, il a porté plainte le 25 mai. Demandeur d’emploi, ce père de famille lyonnais qui, pour l’heure, préfère garder l’anonymat, désespère depuis plusieurs mois de trouver un travail dans son domaine : l’électricité. Pourtant, il a les qualifications requises. Il répond à une offre affichée à Pôle Emploi émanant d’une entreprise de l’Est lyonnais. Mais son CV et son courrier lui valent une réponse négative. Dépité, il se confie à une conseillère de Pôle Emploi qui contacte en sa présence le 16 mai, la société et appuie sa candidature. Réponse ferme : « Le recrutement est clos ». Pas de chance pour Ali. Quelques jours plus tôt, par curiosité, il avait écrit à la même entreprise mais en modifiant son nom. Un « testing » à sa façon. Ali se métamorphose en Romain. Le CV est identique, la lettre aussi. Le numéro de téléphone est modifié : c’est celui d’un ami d’origine française. En revenant de son rendez-vous à Pôle Emploi, Ali trouve un message sur le répondeur de son ami qui parle français sans accent. La baguette magique a fonctionné. Miracle : la PME est intéressée par son profil et le convie à un entretien d’embauche pour le 20 mai. Ali s’y rend avec un représentant de la Licra qui demande des explications au responsable technique sur ces pratiques discriminatoires. Etonnement de l’employeur : « C’est un mauvais concours de circonstance. D’ailleurs, notre personnel a toujours reflété une certaine diversité ».
Une mauvaise foi flagrante pour la Licra qui souhaite des excuses et une réparation même symbolique pour la victime. Mais un courrier de la PME daté du 23 mai, nie les faits dénoncés par Ali. L’action judiciaire est engagée. Au parquet de décider des suites à donner à ce dossier. Un dossier peu banal, l’Etat n’ayant pas engagé une telle procédure en 2011.
(1) Prénom d’emprunt
350 000 euros contre les discriminations
La Halde (haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) définit la discrimination comme « une inégalité de traitement fondée sur un critère prohibé par la loi, comme l’origine, le sexe, le handicap etc., dans un domaine visé par la loi, comme l’emploi, le logement, l’éducation, etc. » Selon le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Cereq), les jeunes originaires du Maghreb, et à un moindre niveau ceux issus d’Afrique subsaharienne et ceux d’Asie du sud-est, subiraient cette « pénalité à l’embauche ». C’est pourquoi l’Etat a choisi de faire de la lutte contre les discriminations, une de ses priorités. Dans le Rhône, 350 000 euros sont investis en 2011 (360 000 en 2010) pour des actions de sensibilisation : accompagnement et écoute des victimes, formation des acteurs, mutualisation des actions entre les acteurs locaux.
mercredi 8 juin 2011
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