D'une manière très habituelle et de façon très sèche, un juge d'instruction parisien vient d'adresser un courrier cinglant au ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Le magistrat Patrick Ramaël, connu par ailleurs pour son instruction du dossier Ben Barka, reproche au chef de la diplomatie française d'avoir affirmé à la mère d'un Français disparu récemment en Côte d'Ivoire que «l'hypothèse de l'enlèvement et de l'assassinat paraît désormais la plus probable», alors que, justement, l'enquête piétine et n'a permis pour l'heure aucune vérification. Dans sa lettre, dont Le Figaro a obtenu une copie, le juge d'instruction se «demande sur quels éléments et à quel titre» le ministre peut livrer à une partie civile une telle hypothèse criminelle. Et le magistrat en profite pour souligner «des problèmes rencontrés en matière de coopération judiciaire avec l'Algérie dans cette affaire».
(Source : Le Figaro)
Cet affrontement entre justice et diplomatie intervient autour du cas d'Alain Massoulier, commerçant français de 50 ans, installé depuis une trentaine d'années en Côte d'Ivoire, où il a disparu le 3 janvier 2008. Sa femme, vivant à Abidjan, et sa mère, vivant à Domme (Dordogne), ont depuis cette date porté plainte et alerté par courrier les plus hautes autorités de l'État et le député de Dordogne, Germinal Peiro.
Son portable en Algérie
Les investigations, sur place, ont exploré la possibilité d'une rivalité entre associés ou la piste, finalement abandonnée, d'un crime politique, en marge de la tentative de coup d'État en Cote d'Ivoire, début 2008.
L'année dernière, c'est au moment où l'enquête révèle que l'un des téléphones portables du Français a été détecté quelques jours après la disparition… en Algérie que la mère d'Alain Massoulier reçoit, par l'intermédiaire de son député, le courrier de Bernard Kouchner évoquant donc l'hypothèse «la plus probable». Suivra donc, début 2009, la réponse cassante du juge Ramaël.
Depuis cet incident, la mère d'Alain Massoulier, âgée de 77 ans, affirme avoir reçu une nouvelle lettre du ministère assurant qu'il s'efforce d'accélérer la procédure. «Dès que leurs résultats seront connus, conclut prudemment ce nouveau courrier, l'autorité judiciaire française en sera directement avisée.» La mère du disparu dit n'avoir plus aucune nouvelle depuis.
Cet imbroglio diplomatico-judiciaire autour de ce Français disparu en Côte d'Ivoire rappelle le bras de fer, d'une tout autre ampleur, que le juge Patrick Ramaël a engagé dans le dossier de l'opposant marocain Mehdi Ben Barka, disparu en 1965 à Paris. Dans le cadre de cette affaire, le magistrat instructeur a ainsi évoqué l'interférence dans son enquête «des intérêts politiques et diplomatiques».
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