Au terme d'un été sous le signe de la radicalisation des politiques d'immigration et de sécurité du gouvernement - "discours de Grenoble" de Nicolas Sarkozy, accélération des expulsions de Roms en situation illégale -, le projet de loi Besson "relatif à l'immigration" sera présenté le 27 septembre à l'Assemblée nationale, avec, en prime, deux amendements sur la déchéance de la nationalité. Une mesure anecdotique dans les faits, mais qui devrait peser vu le tollé qu'elle a suscité chez nombre d'historiens et de juristes cet été. Interrogé sur ce sujet par Le Point.fr, le spécialiste de la nationalité Paul Lagarde précisait : "On a raison de critiquer ce type de mesure, mais il ne faut pas oublier que le droit de la nationalité est très ouvert en France, si l'on compare à d'autres pays."
Par rapport à ses voisins européens, la France figure toujours sur le podium du plus grand nombre d'octrois de nationalité. Selon les chiffres les plus récents fournis par l'institut de statistiques européen Eurostat, et qui ne traduisent pas de façon évidente l'évolution de la politique d'immigration dans l'Hexagone, la France était même championne d'Europe en 2008, avec un peu plus de 137.000 acquisitions de la nationalité - parmi lesquelles environ 108.000 naturalisations par décret et par mariage -, devant le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui pointent respectivement à 129.000 et à 94.000 acquisitions.
Des chiffres à nuancer
Au total, en 2008, 696.000 personnes ont acquis la nationalité de l'un des 27 pays de l'UE, c'est-à-dire 11.000 de moins qu'en 2007. Un changement pourtant peu significatif pour Fabio Sartori, d'Eurostat : "Il est difficile de dégager une tendance unique en Europe, explique-t-il. Il y a eu une baisse générale engendrée par les diminutions dans de vieilles terres d'immigration comme au Royaume-Uni, en Allemagne. Mais, d'un autre côté, on observe des hausses importantes au Portugal et en Roumanie, par exemple. Avec des causes spécifiques : pour le Portugal, cela relève d'un véritable changement de philosophie dans ce pays, qui a facilité l'acquisition de la nationalité aux mineurs notamment. Quant à la Roumanie, ces chiffres sont liés à une politique spécifique visant les populations d'origine moldave et ukrainienne."
D'autre part, le rapport d'Eurostat démontre que la Suède arrive en tête de ce classement si l'on compare le nombre d'octrois de la nationalité au nombre de résidents étrangers dans le pays - 54 octrois pour 1.000 résidents étrangers en Suède, contre 23 pour 1.000 en moyenne dans l'UE -, mais aussi si on le compare à la population totale - 3,3 pour 1.000 habitants en Suède, 2,1 pour 1.000 en France, 1,4 dans l'UE en moyenne. "Ces chiffres reflètent tout simplement des décennies de politique active en faveur des nationalisations en Suède", explique Fabio Sartori.
Beaucoup d'expulsés sur le papier, moins dans les faits
Mais les chiffres de la France ne trompent pas en ce qui concerne la question de l'intégration. Ses résultats récents, notamment en matière de travail des immigrés, sont très en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE, selon une étude réalisée par l'organisation internationale en 2006. La France y est moyennement ou mal classée sur le plan de l'intégration par le travail et les contributions à l'emploi, par rapport aux autres terres d'immigration européennes, en particulier pour l'immigration récente : 8,1 % des employés français sont issus de l'immigration récente (moins de 10 ans de présence), alors que la moyenne des pays de l'OCDE se situe à 14,5 %, avec les exemples notables de l'Espagne (30,2 %), du Royaume-Uni (18,9 %) et de l'Irlande (26 %). Et l'écart se creuse encore lorsque l'on ne s'attache qu'aux professions dites "hautement qualifiées" (selon la Classification internationale type des professions) : la France ne compte que 5,9 % de "migrants récents" dans ces professions alors que la moyenne de l'OCDE est à 10,6 %.
Quant aux ressortissants de pays tiers que la France renvoie chez eux, elle ne se distingue pas par sa dureté, mais plutôt par son manque d'efficacité à faire appliquer sa politique : 14.289 personnes se sont vu refuser l'entrée aux frontières extérieures de l'Hexagone en 2009, presque 2.500 de moins qu'en 2008. Un chiffre moyen à nuancer - il est, par exemple, incomparable avec celui de l'Espagne qui s'élève à 387.000 -, mais qui reste inférieur à celui du Royaume-Uni (20.480). En revanche, la France est largement en tête si l'on rapporte le nombre de personnes faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire et celles l'ayant effectivement quitté : 97.515 en 2008 pour les premières, 19.470 pour les secondes. Un écart important qui, cela n'a rien d'un hasard, s'est réduit lentement mais sûrement ces dernières années.
lundi 30 août 2010
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