Après un rapport critique publié cet été, le commissaire à l'Egalité des chances, Yazid Sabeg estime dans Les Echos que cette mesure ne doit pas être rendue obligatoire.
Le CV anonyme restera «une faculté parmi d'autres», et ne sera finalement pas généralisé à toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Inscrite dans la loi sur l'égalité des chances de 2006, cette mesure de lutte contre les discriminations n'est désormais plus plébiscitée. «Je ne crois pas que le CV anonyme doive être une obligation», a déclaré pour la première fois aux Echos le commissaire à l'Egalité des chances Yazid Sabeg.
Avant de publier les décrets d'application du dispositif, le gouvernement en avait demandé un bilan d'étape. Réalisée par le Centre de recherche en économie et statistique (Crest) conjointement avec Pôle emploi, cette évaluation s'est avérée très critique.
Dans une note parue au mois de juillet et reprenant les conclusions du Crest, Pôle emploi souligne que le CV anonyme ne permet pas d'améliorer les chances d'accès à l'entretien d'embauche des candidats issus de l'immigration ou des zones urbaines sensibles. Il tendrait même à les réduire : avec le CV anonyme, leurs chances diminuent ainsi de 9,6% à 4,6%.
Expérimentation biaisée
L'organisme fournit deux explications à ce résultat paradoxal. Selon la première, le CV anonyme ne permettrait pas au recruteur de relativiser certains éléments négatifs du CV, par exemple une formation moins prestigieuse ou une moindre expérience, en fonction du milieu social ou encore de l'âge du candidat. Chose que feraient naturellement certains recruteurs.
La deuxième raison contribue davantage à remettre en cause les conclusions du rapport. L'expérimentation menée entre novembre 2009 et novembre 2010 serait biaisée car portée par des entreprises sensibles aux questions de discrimination, qui mèneraient habituellement des pratiques volontaristes en matière de recrutement des minorités. Le CV anonyme les priverait alors d'un moyen de diversifier les profils de leurs candidats.
Un outil parmi d'autres
Pôle emploi souligne cependant qu'un CV anonyme est d'une manière générale moins attractif pour un recruteur qu'un CV nominatif. D'où sa crainte que les candidats postulant via un CV anonyme ne fassent par ailleurs à leur tour l'objet d'une discrimination par rapport à ceux qui postulent via d'autres canaux. Autant d'observations qui conduisent l'institution à douter de la nécessité de généraliser ce dispositif. Une option qu'elle juge en conclusion «peu envisageable».
Yazid Sabeg rappelle de son côté que «le gouvernement doit se prononcer» sur cette question. Mais jadis fervent partisan de cette mesure, il plaide aujourd'hui pour qu'elle demeure un outil de recrutement parmi d'autres, «que certaines entreprises utilisent d'ailleurs avec succès», rappelle-t-il. Pour favoriser l'accès à l'emploi de parcours diversifiés, Pôle emploi souligne quant à lui que d'autres voies existent. Le recrutement sans CV ou encore les questionnaires de compétences en sont quelques unes.
Le CV anonyme efficace pour les femmes
Si le CV anonyme est d'après le Crest peu efficace pour les candisats issus de l'immigration et de Zus, il l'est en revanche pour les discriminations liées au sexe. Il présente en effet l'avantage de contrer les comportements «hémophiles» des recruteurs. Derrière cette expression se cache leur tendance spontanée à privilégier des candidats du même sexe qu'eux. «Quand le recruteur est un homme, la probabilité pour une femme d'accéder à l'entretien avec un CV nominatif est inférieure de 16,6 points à celle d'un homme», relève Pôle emploi. Les recruteurs femmes privilégient aussi les femmes, mais dans une moindre mesure. Le CV anonyme permet de réduire cette inégalité de façon significative, assure l'étude.
mercredi 17 août 2011
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