Vendredi 4 septembre 2009, par René Dassié |
« 1 million d’euros (…) pour dormir dans des chambres d’hôtel pendant un mois me semble hors de portée d’un pays pauvre très endetté qui n’arrive pas à mettre en place toutes les institutions prévues par la Constitution », a écrit mardi dans une lettre ouverte à Paul Biya, Chief Milla Assouté, l’ancien chef de file des modernistes du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), le parti au pouvoir.
(Source : Afrik.com)
Aujourd’hui en exil en France, ce roi d’une importante chefferie camerounaise est passé dans l’opposition et anime désormais son propre parti, le Rassemblement Démocratique pour la Modernisation du Cameroun (RDMC). Comme lui, de nombreuses personnalités camerounaises se disent scandalisées par le coût exorbitant des vacances du président camerounais à La Baule, en France. Dans une autre lettre ouverte adressée cette fois-ci à Yves Métaireau le maire de La Baule et hôte de Paul Biya qu’il a décoré de la médaille d’honneur de sa ville, Dr Siméon KUISSU, chef de service au Centre hospitalier de Montreuil en banlieue parisienne et coordonnateur de l’association One Cameroun, lui rappelle que « c’est de La Baule qu’un président de la République française, François Mitterrand, honorant en cela la France, avait lancé le fameux appel à la bonne gouvernance, devant les chefs d’Etat africains réunis dans votre ville ». Des réactions de cette nature se multiplient sur Internet, depuis la révélation de la note salée de la virée estivale de Paul Biya en France.
Tout a commencé le 29 août dernier. Trois médias français, France Inter, Radio Fidélité Nantes et le quotidien régional Ouest France révèlent que le président camerounais suivi, par une délégation de plus de 40 personnes, a pris ses quartiers à l’Hermitage et au Royal, deux hôtels quatre et cinq étoiles de la Baule. Il a choisi cette commune de l’ouest de la France pour y passer trois semaines de vacances. Rien d’anormal à cela. Ce qui fait problème, par contre, c’est le coût de revient journalier de ces vacances : 42 000 euros pour les 43 chambres occupées. Une somme qui ne prend pas en compte les frais de restauration et de loisirs (casino, séances de thalasso, shopping etc.). La note à ce niveau est déjà salée : au bas mot 800 000 euros pour trois semaines. On est pourtant loin du compte. Il faut y ajouter aussi « les 340.000 euros par jour de location de votre avion qui attendrait au sol, (…) pendant 3 semaines ! », s’est exclamé Chief Milla Assouté, qui a conseillé au président d’interrompre ses vacances et de rentrer au Cameroun.
Panique à Yaoundé
La divulgation du coût de ses vacances a dû surprendre Paul Biya. En posant ses valises à Paris, début août, pour une visite privée qu’il a prolongée en vacances, celui-ci avait essayé d’assurer ses arrières. Il a en effet inondé une partie de la presse française dont Le Monde et l’Express, de publicités et de publi-reportages. Ce sont les médias épargnés par cette campagne de communication fort critiquée par la presse camerounaise qui ont levé le lièvre. Pris au dépourvu, Paul Biya se retourne vers La Baule +, un quotidien gratuit à faible tirage (40 000 exemplaire) vivant uniquement d’annonces publicitaires. Yannick Urrien, son Directeur de publication présenté comme un journaliste controversé et proche de nombreux élus de l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), le parti du président français Nicolas Sarkozy, signe un éditorial fort critique à l’égard de ses confrères français, qu’il compare à des prostituées. « Certains s’étonnent encore de voir la profession du journaliste dévalorisée au point qu’un sondage récent indiquait que les Français plaçaient les journalistes et les prostituées à un même niveau de considération…C’est tout dire ! Les Baulois et les commerçants de La Baule viennent de vivre un bel exemple de manipulation médiatique », a-t-il écrit. Cet éditorial va permettre à l’Etat camerounais, fortement embarrassé par l’affaire, d’essayer de reprendre pied. Mardi, le ministre camerounais de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, ancien opposant passé dans le camp présidentiel, a convoqué la presse à Yaoundé pour s’expliquer. Dans la même journée, il a publié un communiqué officiel, dans lequel il cite, en les numérotant, de larges extraits de l’éditorial de Yannick Urrien. « Une fois de plus, le Chef de l’Etat camerounais est victime d’une agression de forces tapies dans l’ombre, qui manipulent les médias même hors des frontières nationales », a-t-il écrit. Pour lui, le Cameroun est tout simplement victime de manœuvres de déstabilisation. Son prédécesseur au ministère de la communication et aujourd’hui titulaire du portefeuille de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo que certains journaux camerounais qualifie souvent de Sakombi de Paul Biya [1] a fustigé de son côté « Ceux qui veulent aujourd’hui franchir le Rubicon (en couvrant d’opprobre l’apôtre de la démocratie apaisée) ». Cameroon Tribune, le quotidien gouvernemental camerounais, a également publié des articles reprenant la position gouvernementale.
Le gouvernement camerounais muet sur le coût réel des vacances de Paul Biya
Toutes ces réactions n’ont cependant pas convaincu grand monde. Pour de nombreux observateurs, les défenseurs de Paul Biya ont soigneusement évité les vraies questions : les chiffres publiés par la presse sont-ils vrais ? Qui de l’Etat camerounais ou de Paul Biya payera la note ? Silence radio du côté de Yaoundé. Interrogé par la BBC Issa Tchiroma Bakary s’est contenté de se demander si le président camerounais n’a pas le droit de faire ce qu’il veut de son argent. Ce à quoi de nombreuses personnes laissent observer que Paul Biya s’est toujours refusé à publier la liste de ses biens et à divulguer son salaire comme la Constitution camerounaise l’y oblige. Titus Edzoa, son ancien ministre et mentor, jeté en prison officiellement pour « détournement de fonds publics » après avoir divulgué son intention de briguer la magistrature suprême en 1997, avait dit de lui qu’il est l’homme le plus riche du Cameroun. Récemment, Paul Biya avait été épinglé par le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), dans sa liste des dirigeants ayant mal acquis leurs biens. Selon le quotidien en ligne français Rue 89, ses vacances ont été plus chères que celles de Barack Obama le président américain, qui pour avoir loué une villa pour un montant compris entre 24 000 et 35 000 euros a provoqué une polémique en août dernier aux Etats-Unis.
Le Cameroun est l’un des pays les plus pauvres du monde, avec 48% de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Il doit compter sur l’aide étrangère pour assurer sa survie. La France s’est d’ailleurs engagée à verser 537 millions d’euros sur cinq ans à ce pays d’Afrique centrale, pour son désendettement et son développement. Paul Biya, qui quitte La Baule samedi, a déclaré au quotidien Ouest France que « face à la crise, il est nécessaire que les pays industrialisés renforcent la solidarité internationale ».
La faute a Ahidjo qui croyait naivement passer le falmbeau a idiot 'controlable'
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