(Source : L'Express)
A quoi attribuez-vous ce mauvais classement de la Guadeloupe en termes de délinquance?
Il y a plusieurs raisons. La première c'est la question essentielle et primordiale du maintien de l'ordre. Depuis la colonisation, nous n'avons jamais réussi à installer une "normalité". Il y a un déficit d'encadrement policier en Guadeloupe, qui ne compte que 140 policiers.
Ce problème du maintien de l'ordre s'explique aussi sociologiquement. Au sein des familles, le père a longtemps été absent, cantonné au rôle de géniteur incapable de se marier ou d'entretenir une famille. Cette absence a provoqué une déficience de l'autorité paternelle. Aujourd'hui, même si le standard de la famille nucléaire est installé, on reste dans une vision de la famille matri-focale, voire matri-linéaire.
Enfin la question des drogues est également à prendre en compte, c'est un lieu de trafic et donc un lieu d'addictions. Cependant, ces caractéristiques ne doivent pas valoir excuse.
Les chiffres sont particulièrement frappants en ce qui concerne les menaces et les violences sexuelles. Comment l'expliquez-vous?
Tout d'abord, il n'y a pas assez de communication publique ni de réelle politique familiale. Ensuite, on constate une faiblesse du lien social: on ne dialogue pas, on conquiert, et ce souvent par la violence. Cette conquête touche aussi bien la loi que les femmes. La drogue aussi plonge certains jeunes dans un état de déshérence qui aggrave les choses.
Il y a une culture de la transgression qui remonte à la société esclavagiste. La loi est toujours perçue comme répressive ou comme obstacle à la liberté. L'affranchissement passe donc par la transgression de la loi et ça, l'Etat n'en a pas pris conscience. Le fait que tout le monde se connaisse pousse également les gens à croire qu'on peut contourner la loi. La norme a du mal à rentrer dans toutes les têtes. Je le répète, ce fond culturel explique mais ne justifie pas.
Ces données de 2008 annonçaient-elles les violences qui ont eu lieu en février dernier?
Il y a un terreau favorable à la violence, le taux de chômage est élevé mais on ne peut pas dire que ce soit directement lié. Il faut prendre aussi en considération un patronat archaïque qui n'a pas changé non plus.
Cela explique peut-être l'intensité des violences qui ont eu lieues à partir de la 3 ou 4e semaine du mouvement.
Comment enrayer ce phénomène de violences?
L'Etat doit être moins distant, il faut plus de moyens pour la justice et la police, de façon à améliorer le maintien de l'ordre et à stopper la circulation de la drogue. Une vraie politique familiale doit s'accompagner de campagnes de prévention et d'information sur les drogues et les violences sexuelles. Il faut mettre en place un véritable travail de thérapie sociale pour réconcilier la population avec la loi et avec l'Etat.
Je vais personnellement l'évoquer lors des Etats généraux de l'Outre-Mer. Ces chiffres sont une mauvaise publicité mais ce n'est malheureusement pas une surprise.
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