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mercredi 10 mars 2010

[NIGERIA] Conflits ethniques et fonciers, principales causes des violences (L'Express)

La tuerie de Jos au Nigeria est la dernière d'une série qui a fait au moins 2000 morts dans la région ces dix dernières années. En jeu, la propriété des terres entre le Nord et le Sud du pays.

Rivalités ethniques séculaires, conflits liés à la terre et frustrations politiques sont les principales causes de la violence qui ravage régulièrement la région de Jos, dans le centre du Nigeria, estiment des spécialistes. Pour eux, le facteur religieux est souvent secondaire.

Au moins 500 chrétiens de l'ethnie berom, des cultivateurs sédentaires, ont été massacrés dans la nuit de samedi à dimanche par des éleveurs musulmans nomades de l'ethnie fulani (peule). Cette tuerie est la dernière d'une série qui ont fait au moins 2000 morts dans la région au cours de la dernière décennie.

Elle survient moins de deux mois après une flambée de violences où plus de 300 musulmans avaient été tués par des chrétiens à Jos et dans ses environs.

Qui sont les Berom et les Fulani?

Les Berom constituent l'un des principaux groupes ethniques de l'Etat du Plateau, mais ces éleveurs chrétiens du Nord à la recherche de pâturages ont migré au cours des années dans cette région, située entre le Nord du pays à majorité musulmane et le Sud à majorité chrétienne.

Ces migrations ont entraîné des conflits liés à la terre, particulièrement fertile dans cette région. "C'est un conflit entre locaux et nomades, qui a une coloration religieuse", résume Tajudeen Akanji, directeur du Centre pour la paix et la résolution des conflits à l'université d'Ibadan (ouest). "Il y a un sentiment d'injustice" chez les Berom, qui craignent d'être dominés par les Hausa et Fulani musulmans, selon Akanji, de l'université d'Ibadan.

Dans une interview lundi à Radio Vatican, Mgr John Onaiyekan, archevêque catholique d'Abuja, a abondé dans ce sens. "On ne se tue pas à cause de la religion, mais pour des revendications sociales, économiques, tribales, culturelles", a-t-il précisé.

Un conflit "classique" entre bergers et agriculteurs

"C'est ethnique et politique, cela n'a rien à voir avec la religion", analyse pour sa part Sulaiman Nyang, spécialiste de l'Afrique et de l'islam à Howard University à Washington. "Certains au Nigeria ne veulent pas la stabilité, et jouent toutes sortes de jeux", a-t-il estimé.

Un député de l'Etat du Plateau a aussi mis en avant des raisons politiques, évoquant notamment les frustrations de la communauté chrétiennne. "A chaque fois qu'il y a une élection, ce sont les Hausa (ethnie musulmane) qui gagnent, c'est beaucoup plus difficile pour les natifs de la région", a indiqué cet élu sous couvert de l'anonymat. Aucun des administrateurs régionaux n'est berom, a-t-il relevé.

Les lignes de partage ethnique épousant les différences confessionnelles, les violences prennent souvent une coloration religieuse. "Il s'agit du conflit classique entre bergers et agriculteurs, mais les Fulani (les agresseurs) sont tous musulmans et les Beroms (les victimes) sont tous chrétiens", a expliqué l'archevêque d'Abuja.

Crainte des représailles

Dans la région de Jos, "les gens ne se battent pas pour le droit ou les lieux de prière", a rappelé l'un des porte-parole de la communauté musulmane au Nigeria.

Responsables communautaires, religieux et politiques craignent maintenant le cycle infernal des représailles. Le principal parti d'opposition Action Congress a mis en garde mardi contre "l'impunité" dans la région, qui alimente les violences.

L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) estime que plus de 13 500 personnes ont été tuées dans des violences ethniques et/ou religieuses au Nigeria depuis la fin du régime militaire en 1999.

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