Un grand moment de télévision. Ce défilé du 14 juillet, marqué par la présence de contingents des anciennes colonies d'Afrique, s'est déroulé en présence de 12 chefs d'Etat africains, dont les noms ont été écorchés par les présentateurs des deux chaînes françaises qui retransmettaient en direct l'évènement. «Monsieur Amadi Timani Touré»... Ainsi apostrophé par une journaliste de France 2, qui lui a ensuite donné du «Monsieur le président du Mali», plus prudemment, Amadou Toumani Touré a été baptisé «AT» par TF1, alors que son surnom comporte en fait ses trois initiales, «ATT».
Il a beaucoup été question, dans les commentaires et les questions posées aux experts militaires français, de la contribution des contingents africains dans les forces de maintien de la paix des Nations unies. Pas question de parler des répressions sanglantes menées par les armées du Togo ou du Cameroun, en 2005 et en 2008, contre les populations qu'elles sont censées défendre, ou de la guerre, encore récente, en Côte d'Ivoire. Aucune question, non plus, sur la traque aux militants d'Al-Qaeda, dans le désert malien... De l'Unité des méharistes du Ménaka, venue du Mali, on retiendra surtout, sur TF1, qu'elle est venue «sans ses chameaux, à notre grand regret».
Laurent Gbagbo, le chef d'Etat ivoirien, n'a pas voulu venir ? «On met ça entre parenthèses, c'est un jour de fête», assène France 2. Et puis, il a quand même envoyé son ministre de la Défense : voyez, l'officiel là-bas, tout au bout de la rangée, avec des lunettes dorées. Les chefs d'Etats africains, eux, se sont assis de part et d'autre du président français. Pour résoudre le casse-tête protocolaire, on a décidé de les aligner par ordre d'ancienneté au pouvoir. Edifiant résultat : les plus indéboulonnables, Paul Biya (Cameroun) et Blaise Compaoré (Burkina Faso) ont eu l'honneur de siéger à droite et à gauche de Nicolas Sarkozy, tandis qu'Idriss Déby (Tchad) et Denis Sassou Nguesso (Congo Brazzaville) ont occupé les secondes places, des deux côtés.
Alors qu'Idriss Déby était présenté comme un "vrai chef de guerre" et Abdoulaye Wade (Sénégal) comme un "sage en Afrique, un faiseur de paix", personne n'a cru bon de rappeler qu'Amadou Toumani Touré, qui réussit l'exploit (à l'échelle de l'Afrique) de vouloir s'en aller à la fin de son mandat, en 2012, est aussi un ancien militaire, l'un des rares à avoir jadis rendu le pouvoir aux civils, après un coup d'Etat «démocratique». Interrogé en même temps qu'Abdoulaye Wade, ATT a quand même pu glisser un mot, pour souligner «le courage politique indéniable» de Nicolas Sarkozy, en tant que puissance invitante des «troupes africaines, héritières des troupes noires d'hier». Moins reconnaissant, Ali Bongo, le chef d'Etat gabonais, a trouvé que «l'hommage était mérité et attendu».
Toutes ces premières dames, sur lesquelles les caméras ne se sont guère attardées, et dont on a manqué les atours chamarrés, étaient parquées sur le côté. Chantal Biya, sous sa lourde perruque rousse et longue robe bleue, ne cachait pas sa joie d'être postée aux côtés de Carla Bruni, plus sobre en petite robe noire. La femme du président français a plus volontiers prêté son oreille à son autre voisine : Madame Compaoré lui a en effet raconté que la pluie diluvienne, tombée pendant le défilé, était «signe de chance en Afrique».
Enfin, clou du spectacle : le défilé des contingents africains s'est déroulé par ordre alphabétique, pour ne pas faire de jaloux. Ont donc ouvert la marche les amazones du Bénin, des femmes soldats aux nuques rases, avant le Burkina Faso en grande tenue rouge et bleue, le Cameroun en treilllis, puis la Centrafrique avec «une tenue spécialement fabriquée par une usine française pour le défilé». Après le Congo Brazzaville en beige, le Gabon en treillis, tout est allé très vite et on a perdu le fil. Les caméras sont restées longtemps sur le contingent du Tchad, tout en blanc et Kalachnikovs en main, les commentateurs continuant de regretter l'absence de chameaux maliens. Tant pis pour le Sénégal et le Togo, à peine aperçus.
jeudi 15 juillet 2010
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