Esther (nom d’emprunt), se souviendra de ce séjour en France. Titulaire d’un titre de séjour britannique, elle a été arrêtée au domicile de sa cousine à laquelle elle rendait visite. Placée en garde à vue, elle a ensuite été retenue deux nuits au centre de rétention. Retour sur un emballement policier et administratif qui aurait pu mener à l’expulsion d’une personne en règle.
De nationalité ivoirienne, Esther est mariée à un français installé en Grande-Bretagne. Bénéficiant du statut « membre de famille de l’Union européenne », elle est en possession d’un titre de séjour qui figure dans son passeport. Sur conseil de son mari, Esther, qui est aujourd’hui enceinte de 3 mois et demi, se rend en France pour des rendez-vous médicaux. Elle est hébergée chez une cousine résidant à Bron. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’elle lui rend visite à cette cousine et n’a jamais rencontré le moindre problème.
Ce 5 juillet, le séjour français tourne au cauchemar. Esther débarque à l’aéroport de Saint-Exupéry, se plie aux contrôles de la police de l’air et des frontières (PAF), comme il est d’usage. Tout se passe normalement et pour cause, étant titulaire d’une carte de séjour britannique, elle est tout à fait en droit de circuler librement au sein des 27 Etats de l’Union européenne.
Considérée comme sans-papiers
Le 6 juillet, à 8 heures, la police sonne à la porte. L’enfant de la cousine d’Esther ouvre et la police entre dans l’appartement. Esther est emmenée par la police qui lui passe les menottes et la place en garde-à-vue, faisant fi de la régularité de ses papiers. Après huit heures de détention, Esther est placée au Centre de rétention administrative de Saint Exupéry. Huit heures pendant lesquelles, Esther, enceinte, n’a reçu, dit-elle, ni eau ni nourriture en ce jour d’alerte orange à la canicule. L’enfant est placé auprès de l’Institut départemental de l’enfance et de la famille, sa mère ne le récupérera que le lendemain.
Esther, elle, restera au CRA deux nuits et une journée avant d’être assignée à résidence par le juge des libertés dans l’attente d’une remise aux autorités britanniques décidée par la préfecture. Motif invoqué : Esther n’a pas de visa, donc pas de papiers en règle. Mais quoi de plus normal pour une personne qui est considérée par le droit communautaire comme ressortissante de l’Union européenne*. Martin (nom d’emprunt), le mari d’Esther, se précipite dans le premier avion en direction de Lyon pour soutenir sa femme.
La préfecture fait machine-arrière
« Une histoire rocambolesque » résume à la barre Marie-Noëlle Fréry , l’avocate d’Esther, qui est pourtant coutumière de ce genre d’affaire. « C’est la première fois que je vois tant d’acharnement sur une personne ».
Le marathon judiciaire a duré toute la journée du vendredi 9 juillet. Le matin, lors de l’audience du tribunal administratif, la préfecture insistait sur la situation irrégulière d’Esther sans plus d’explication. Suite à une première audience au tribunal administratif, Marie-Noëlle Fréry demande immédiatement un référé liberté, ce qui suspend le jugement. L’après-midi, juste avant l’audience du référé liberté, la préfecture annule l’arrêté de remise aux autorités britanniques. Se rendant compte de sa bévue, elle semble vouloir éviter le camouflet. Or, outre les privations de liberté infligée à Esther, c’est le fait que la police détienne toujours le passeport de l’intéressée qui préoccupe désormais l’avocate. La préfecture doit le restituer d’elle-même. Interpellé par Maître Fréry, puis par le juge, l’émissaire de la préfecture s’engage lors de l’audience à restituer son passeport à Esther. Le juge n’a donc pas statué sur le référé liberté. L’affaire est enfin bouclée, le couple soulagé.
“La préfecture a capitulé mais n’a pas voulu l’avouer " analyse Catherine Tourier, militante de RESF. “La préfecture a conclu par une petite mesquinerie. Elle a demandé à Esther d’aller chercher son passeport au CRA, là où elle a été enfermée sans raison ”. RESF rapporte qu’en allant récupérer son passeport au CRA, Esther a croisé deux autres personnes qui venaient juste d’être relâchés. Elles étaient titulaires de titres de séjour mais italiens cette fois-ci. Des rétentions au CRA qui, comme celui d’Esther, semblent tout aussi injustifiées.
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