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jeudi 4 juin 2009

[Spectacle] Une danse burkinabé agressive et grave à Paris (Le Monde)

Colère et impuissance. Frénésie physique et abattement. Le spectacle Poussières de sang des chorégraphes burkinabés Salia Sanou et Seydou Boro, à l'affiche du Théâtre de la Ville, à Paris, avance entre ces deux pôles. Binaire donc, un peu trop, il s'appuie sur sept danseurs et quatre musiciens. La chanteuse burkinabé Djata Melissa Ilebou, désespérément droite dans sa robe rouge vif, dégage la route pavée de corps d'une voix tremblée.

(Source : Le Monde)

Impossible aujourd'hui d'évoquer le continent africain sans mettre en scène la violence. Ce que font Salia Sanou et Seydou Boro en serrant les poings pour ne pas céder à la brutalité gratuite. Hors de question de jouer la cogne à la démesure de l'actualité. Qu'un coup de pied envoie balader les corps suffit pour situer les rapports humains. Quant au viol, une femme transportée les jambes écartées sur le dos d'un homme, et le scénario se passe de sous-titre.

Poussières de sang est une pièce sur la chute. Sans fin, les danseurs tombent. C'est au sol, sur un plancher peint aux couleurs d'argile rouge et blanche, qu'ils finissent à quatre pattes, prostrés, trouvant difficilement les ressources intimes pour se relever. La gravité a beau plomber les nuques, la hargne du groupe fait encore la loi. Régulièrement, des danses à l'unisson, dynamiques jusqu'à l'agressivité, entaillent le spectacle. Sur des percussions lancées au triple galop, ces séquences finissent par tourner à vide. On peut y lire bien sûr un sursaut de vitalité, une transe guerrière, mais aussi des enchaînements de pas trop bien appris.

L'invention gestuelle de Salia Sanou et Seydou Boro se révèle plus fine dans les duos et les trios. Le rapprochement des corps oblige à chercher des appuis nouveaux, à casser le rythme. On retrouve alors la qualité modelée dans les masses musculaires qui a fondé le style des deux chorégraphes, mais sans le moule qui fige.

NERVOSITÉS FREE JAZZ

Si leur vocabulaire chorégraphique se souvient des danses traditionnelles burkinabés, la musique en revanche se hérisse de nervosités free jazz. Tous les instruments africains - djembés, balafons, tambours d'aisselle... - sont curieusement redistribués par le saxophoniste Pierre Valana, seul artiste blanc en scène.

Poussières de sang est la plus grosse production de Salia Sanou et Seydou Boro depuis la création de leur compagnie en 1995. Installés à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, où ils ont ouvert en 2006 un centre de développement chorégraphique baptisé la Termitière, ils sont parallèlement en résidence depuis 2006 à la Passerelle de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor). C'est la deuxième fois que le duo est programmé au Théâtre de la Ville. Huit ans après Taagala, le voyageur, en 2001, Salia Sanou et Seydou Boro, repères incontournables de la scène africaine contemporaine, sont de retour.


Poussières de sang, de Salia Sanou et Seydou Boro. Théâtre de la Ville, place du Châtelet, Paris-1er. M° Châtelet. 20 h 30. De 12 € à 23 €. Tél. : 01-42-74-22-77. Jusqu'au 6 juin.

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