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vendredi 29 avril 2011

[COTE D'IVOIRE] Mort du «père» de la rébellion ivoirienne : quand «IB» paradait à Lyon (Le Progrès)

Le sergent-chef Ibrahim Coulibaly a été tué à Abidjan. En 2004, il était venu dans la région. Révélations sur ses circuits financiers en Côte-d’Ivoire

C’était le 24 février 2004, jour « radieux » de ses quarante ans. Le sergent-chef ivoirien Ibrahim Coulibaly, dit « IB », considéré un temps comme le « père » de la rébellion en Côte- d’Ivoire fomentée à partir du Burkina Faso en 2002, était venu à Lyon, de Paris, où il était placé sous contrôle judiciaire en raison d’une tentative présumée d’assassinat de Laurent Gbagbo, alors président ivoirien. L’objectif de ce déplacement était, pour lui, très clair : tenter de redorer dans la presse un blason terni par cette affaire qu’il voyait comme un « piège tendu par la France » pour le mettre hors circuit et sauver les accords de paix de Marcoussis. La rencontre avait été organisée avec l’un de ses conseillers originaires de la région, dans les locaux du « Progrès », situés à cette époque rue Servient (3e arrondissement). Ce grand gaillard d’un mètre quatre-vingt-dix à la voix caverneuse, qui avait été le meneur du coup d’État ayant renversé le président ivoirien Henri Konan-Bédié en 1999, disait « ne pas supporter les discriminations dont étaient victimes les gens du Nord » de la Côte-d’Ivoire, « de la part d’un régime raciste ». Après un repas dans un restaurant de la rue de Créqui, près de la place Guichard, où il avait passé son temps à jongler bruyamment entre ses deux téléphones pour régler ses affaires à distance, et avant une promenade dans le Vieux Lyon, nous l’avions suivi jusqu’au magasin « Virgin Megastore » de la rue Edouard-Herriot (2e arrondissement). Il avait tenu à y acheter le DVD du documentaire de Christophe de Ponfilly, « Massoud l’Afghan », sa référence militaire, dont il n’avait pas pourtant l’envergure intellectuelle. À la caisse, « IB » avait sorti de son portefeuille bien garni un billet de 500 euros, déclenchant la suspicion d’une hôtesse qui était partie cinq minutes pour vérifier la validité du billet. Son passage peu discret avait mis les personnels de sécurité en alerte. Si « IB » avait les poches parfois pleines, c’est aussi que la rébellion ivoirienne était, comme tant d’autres, parfois devenue une entreprise lucrative pour ses chefs, au-delà des « idéaux » de départ. La première quinzaine d’octobre 2003, nous avions séjourné au quartier général financier des « lieutenants » d’« IB » à Korhogo (nord de la Côte-d’Ivoire). Un document comptable authentifié dont nous dévoilons le contenu, montre que les taxes illégales prélevées par les rebelles de Korhogo (barrages routiers, convois de cotons, citernes de pétrole) avaient par exemple rapporté à la « direction de la mobilisation des ressources », 70 millions de francs CFA (1 million d’euros) sur une semaine de l’été 2003, pour un bénéfice après dépenses, d’environ 50 millions de francs CFA (environ 800 000 euros). Le tout, était régulièrement déposé sur des banques au Burkina Faso, où « IB» et ses proches disposaient de nombreuses bases arrières.

Nicolas Ballet

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