"Il nous faut corriger nos erreurs", a concédé M. Sarkozy, devant près de cinq mille Réunionnais. "La crise identitaire, sociale et finalement politique a révélé au grand jour des dysfonctionnements que nous avions tous, et depuis trop longtemps, eu tendance à sous-estimer", a-t-il reconnu. Pour cela, il convient de rompre avec la culture de son prédécesseur Jacques Chirac, dont le nom n'est pas cité, celle "des promesses sans lendemain et des magnifiques discours incantatoires", et de "bannir l'assistanat". "C'est insultant pour l'outre-mer", a assené le chef de l'Etat.
INVENTER UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE
Bien sûr, M. Sarkozy avait été copieusement applaudi, la veille, lorsqu'il était arrivé à Mayotte, confetti français au large de Madagascar, en promettant devant dix mille Mahorais en tenue traditionnelle la télévision numérique, un câble sous-marin pour être relié à Internet, une piste d'aéroport rallongée et l'installation d'une antenne de l'université de La Réunion. L'Etat métropolitain est bien là, et entend le rester. "Le temps de la confiance est venu", a espéré M. Sarkozy, assurant qu'il tiendrait ses promesses.
Mais il convient d'inventer un nouveau modèle économique. Le chef de l'Etat croit avoir trouvé la martingale, un développement durable fondé sur le tourisme, la nature et les énergies renouvelables. L'outre-mer est ainsi invitée à devenir pilote et ne pas se contenter d'un "simple rattrapage de la métropole". Lundi, M. Sarkozy a institué un parc marin englobant le lagon de Mayotte, refuge de tortues et de baleines à bosse. Mardi, ce fut l'inauguration d'une ferme photovoltaïque à La Réunion et la présentation de projets de voiture électrique par Renault. Dans l'après-midi, il a visité une palmeraie, conservatoire botanique censé concurrencer l'attrait touristique du célèbre Jardin de pamplemousses de l'île Maurice voisine.
Ce volontarisme suscite quelques grommellements, notamment ceux du patron des pêcheries de Mayotte, Pierre Baubet : "Il faut être plus vert que vert, faire plaisir à quelques fonctionnaires et déborder les socialistes", peste-t-il, inquiet de perdre son métier alors que les plages sont sales et l'assainissement des eaux déficient.
SEULE "LIGNE ROUGE : L'INDÉPENDANCE"
M. Sarkozy veut aussi une économie "moins artificiellement dépendante de la métropole". "Il ne faut pas avoir peur de vos voisins", a exhorté le chef de l'Etat. Mais les relations régionales sont délicates, la France étant souvent perçue comme une puissance coloniale tandis que la perfusion financière de l'outre-mer française perturbe son intégration dans l'économie mondiale. Les Comores, indépendantes depuis 1975, n'ont jamais accepté que Mayotte décide de rester française et la coopération dans la lutte contre l'immigration clandestine est au point mort. M. Sarkozy a tenté un geste, en proposant la création d'une maternité, pour que les femmes comoriennes cessent de se rendre à Mayotte pour y accoucher.
Enfin, dans ces douze territoires du bout du monde, M. Sarkozy se dit prêt à octroyer à chacun un statut particulier, pour que chacun trouve "son équilibre" avec une seule "ligne rouge : l'indépendance". Il a notamment annoncé une réforme du mode de scrutin et du cadre institutionnel en Polynésie. "Je suis persuadé que les Polynésiens sont consternés par ces renversements d'alliance systématiques. Ils ont droit au sérieux de leurs politiques et pas à une vaste comédie", a improvisé M. Sarkozy. Ce fut l'une des rares piques de son discours. La retenue est de mise depuis que le chef de l'Etat, au plus bas dans les sondages, a engagé le marathon des vœux le 31 décembre 2009.
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