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vendredi 23 janvier 2009

ELIGIBILTE DES IVOIRIENS DE LA DIASPORA

CRISE IVOIRIENNE ET SAISINE DE LA CPI PAR LE COPACI : PROBLEMATIQUE, MOTIVATIONS ET ENJEUX

PROBLEMATIQUE

Le COPACI a saisi la CPI pour qu’elle se penche sur les crimes graves commis en Côte d’ Ivoire depuis le 19 septembre 2002, alors que tout semble bien aller dans le sens d’une sortie définitive de crise par des élections démocratiques et transparentes. A l’état actuel de la crise, l’action du COPACI peut donc paraître déconcertante et susciter quelques interrogations. La saisine de la Cour Pénale Internationale ne va-t-elle-pas mettre en mal le processus de sortie de crise ? L’intervention de la CPI peut-elle apporter une solution à la crise ivoirienne? Ne faut-il pas se limiter aux compromis politiques et aux élections pour résoudre cette crise ? Il se dégage de ces interrogations la question des motivations et des enjeux de l’action du COPACI.

II. MOTIVATIONS

II.1 ELECTIONS ET PAIX

L’action du COPACI est d’abord motivée par son refus d’adhérer à l’illusion dominante selon laquelle la paix définitive en Côte-d’Ivoire passe par les élections. Une certaine opinion nationale et internationale, sans doute bornée aux apparences, a tendance à enjoliver l’état actuel de la crise. Pour cette opinion tout va politiquement bien, parce que nous tendons résolument vers les élections. Mais nous faisons une autre lecture de la situation politique qui n’est pas rose. Nous pensons que notre pays est assis sur une poudrière, qui pourrait exploser avant, pendant ou après les élections. Cette lecture est fondée sur les passions politiques qui animent les éventuels candidats présidentiels. Les passions sont si fortes pour la conservation, la conquête ou la reconquête du pouvoir que cette crise semble partie pour perdurer. Ses passions se traduisent par une ethnicisation inquiétante du débat politique, les accusations mutuelles récurrentes de fraudes d’indentification dans le cadre du recensement électoral, des cas de fraudes avérées, qui sont manifestement des actes anti démocratiques, les allégations contradictoires des concurrents politiques par journaux interposés, relatives à leur majorité électorale et à l’assurance de leur victoire.

Tous ces faits et allégations, loin de contribuer à un climat démocratique apaisé, visent de part et d’autre (parti au pouvoir et opposition RHDP) à préparer les esprits aux contestations des résultats électoraux et aux troubles à venir.

Cette analyse nous force à désespérer d’une stabilité démocratique et d’une paix durable par les élections même démocratiques et transparentes, tant que les débats seront passionnés et les appétits des uns et des autres pour le pouvoir démesurés et absurdes.

II.2 LA JUSTICE IVOIRIENNE DANS LA CRISE

La seconde motivation de notre action est l’incertitude d’une intervention de la justice ivoirienne dans le cas des crimes graves liés à la crise.

Le Parlement ivoirien a voté une loi d’Amnistie le 06 Août 2003. Le point b) de l’article 4 de cette loi précise que l’Amnistie ne s’applique pas «aux infractions constitutives de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire », et le point d) du même article précise qu’elle ne s’applique pas non plus « aux infractions visées par les articles 5à8 du Traité de Rome sur la Cour pénale Internationale (CPI) et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples. » . Le chef de l’Etat a par la suite pris l’Ordonnance N° 2007 457 du 12 Avril 2007 portant Amnistie. Les points a) et b) de l’article 3 de cette Ordonnance précisent respectivement que l’amnistie ne s’applique pas « aux infractions économiques » et « aux infractions qualifiées par le code pénal ivoirien de crimes et délits contre le droit des gens, crimes et délits contres les personnes, crimes et délits contres les biens autres que celles énumérées aux articles 1 et 2 »

Vu cette loi et cette ordonnance d’amnistie, il apparaît clairement que le Parlement Ivoirien et le chef de l’Etat ont manifesté leur volonté de ne pas accorder une impunité absolue à tous les auteurs et responsables de violations graves des droits de l’homme, des crimes et délits contres les personnes et de tous les crimes graves relevant de la compétence de la Cour Pénale Internationale.

La recherche de solution à la crise par des compromis politiques, la peur des victimes et biens d’autres raisons mettent bien en mal toute volonté d’engager des actions judiciaires en Côte d’Ivoire contre les auteurs de crimes graves non amnistiés commis depuis le 19 septembre 2002. C’est sans doute ce qui a motivé les autorités de notre pays à consentir depuis avril 2003 à ce que la Cour pénale internationale exerce sa compétence pour les crimes graves commis sur le territoire ivoirien depuis les événements du 19 septembre 2002, conformément au point 3 de l’article 12 de son Statut.

Paradoxalement et ambigument, le gouvernement ivoirien entrave l’action de la CPI depuis 2006, date à laquelle celle-ci a décidé d’engager des enquêtes préliminaires en Côte-d’Ivoire. Cependant, le COPACI juge nécessaire l’intervention de la CPI dans la crise ivoirienne pour mettre fin à l’impunité.

II.3 LA CPI ET LA CRISE IVOIRIENNE

Notre troisième motivation repose sur notre profonde conviction selon laquelle il ne peut y avoir de paix durable sans justice.

Toute volonté d’instaurer la paix sans la justice ne peut être qu’un fourvoiement. Car toute paix véritable et durable dans une République repose essentiellement sur la justice. Sous aucun prétexte, celle-ci ne doit être sacrifiée à la paix. Conscient de cela et du fait que le pardon et l’impunité sont les armes des criminels et des barbares, et vu la situation politico-judiciaire précédemment décrite, le COPACI a donc décidé de saisir la Cour Pénale Internationale pour qu’elle se penche sur le cas des crimes graves commis en Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002, et dont le jugement relève de sa compétence. Cette démarche contribuera sans aucun doute à créer les conditions d’une paix durable en Côte-d’Ivoire.

L’on ne pourra construire un véritable Etat de droit sans la conciliation des idéaux de paix et de justice. Nous sommes engagés à faire un choix historique pour notre pays. Nous devons choisir entre une consécration de l’impunité, source d’instabilité permanente et de tous les maux à venir relatifs aux violations graves des droits de l’homme, et une sacralisation de la justice pour fonder une paix durable et un véritable Etat de droit.

Cet idéal de justice et de paix du COPACI est aussi celui de la CPI. Dans le préambule du Traité de Rome portant création de la CPI, il est remarquablement mentionné que les crimes graves « menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde » et qu’il faut « mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces crimes ».

Cet idéal de paix et de justice est historiquement celui de la communauté international depuis la première guerre mondiale. Mais cet idéal a pris un tournant décisif, depuis la deuxième guerre mondiale, par la création du tribunal militaire international de Nuremberg le 8 Août 1945. suivie de la création du Tribunal pénal International pour l’ex- Yougoslavie (TPIY) le 25 mai 1993 par la résolution 827 du Conseil de Sécurité des Nations unies, du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) le 8 novembre 1994 par la résolution 955 du Conseil de Sécurité des Nations unies, du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) le 14 Août 2000 par la résolution 1315 du Conseil de Sécurité des Nations unies, de la Cour Pénale internationale par le Traité de Rome le 17 Juillet 1998. Depuis le 20ème Siècle, l’Histoire du monde retient donc que les auteurs et responsables de crimes graves, où qu’ils se trouvent et quels qu’ils soient, n’ont plus droit à l’impunité.

III-LES ENJEUX : LA PAIX ET LA DEMOCRATIE

La paix et la démocratie sont les enjeux majeurs de notre action. Il s’agit pour le COPACI de contribuer à l’instauration d’une paix durable et d’une stabilité démocratique en Côte-d’Ivoire. Cette paix durable, dont nous rêvons, que nous appelons de tous nos vœux, passe inéluctablement et indissociablement par la démocratie et la justice.

La paix durable passe par le respect des règles du jeu démocratique. La démocratie doit être d’abord un état d’esprit de tous les leaders politiques, de leurs militants et sympathisants, devant ensuite se traduire dans leurs langages et leurs actes. N’oublions surtout pas que le refus de la démocratie et les miettes démocratiques constituent l’origine lointaine de la crise survenue depuis le 19 septembre 2002.

La crise actuelle en Côte d’ivoire montre bien que la démocratie et la paix sociale se conditionnent réciproquement. La démocratie est donc en péril face à une paix sociale sans cesse fragilisée et parfois « brisée » par les injustices, les impunités, les ressentiments et les vengeances qui en découlent. La justice s’impose donc pour faire de la paix une réalité durable et de la démocratie une réalité imperturbable et stable.

Par la justice, il s’agit de mettre fin à l’impunité, de créer un climat durable de paix, de sérénité et d’éveil du sens de la responsabilité sociopolitique de tous pour un bon déroulement du jeu démocratique..

Qui veut la démocratie doit vouloir la paix, qui veut la paix doit vouloir la justice.

Le COPACI invite solennellement les ivoiriens et toutes les personnes ayant saisi l’importance de ces enjeux à se joindre à lui pour mener à bien ce combat pour la démocratie et la paix par la justice dans l’intérêt supérieur de la nation.

Déclaration de la conférence de presse tenue le samedi 17 Janvier 2009 à Paris par Blaise Pascal Logbo, Président du COPACI.

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