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mercredi 11 mars 2009

[Economie] "Les travailleurs sans-papiers participent à l'économie française"

Des intérimaires sans-papiers du Val d'Oise se sont mis en grève, la semaine dernière, pour demander leur régularisation. Michel Sitbon, animateur du Quotidien des sans papier et Jean-Claude Amara, porte-parole de l'association Droits devant !!, reviennent sur la situation de ces travailleurs qui sortent de la clandestinité pour revendiquer leurs droits.

(Source : lexpress.fr)
Par Nelly Moussu, publié le 11/03/2009 15:24 - mis à jour le 11/03/2009 15:32


Combien de sans-papiers travaillent en France?

Jean-Claude Amara: "A ma connaissance, tous les sans-papiers travaillent, avec une variante entre travail au noir et travail déclaré. Le gouvernement parle de 200 à 400 000 sans-papiers, mais nous estimons plutôt qu'ils sont 500 000."

Dans quelles professions sont-ils plus présents?

J-C. A.: "Beaucoup sont des intérimaires. Ils sont, pour la plupart, employés dans les secteurs classés en tension par le gouvernement (151 professions dont celles du bâtiment et de la restauration). Ils sont embauchés là où la main d'oeuvre manque. Si on expulse tous les sans-papiers de ces branches économiques, elles s'effondreront."

Pourquoi les patrons font appel à eux?

Michel Sitbon: "Ils acceptent les emplois sous-payés et difficiles. Ils ne sont pas déclarés pour la plupart et coûtent donc moins chers aux employeurs, qui ne paient pas de charges sociales."

Est-ce légal de les employer?

M. S.: "En théorie, il n'est pas légal d'employer un sans-papiers. En pratique, il utilise les papiers d'une autre personne et l'employeur ne cherche pas à en savoir plus..."

J-C. A.: "A partir du moment où un travailleur est sans-papiers, le patron doit entamer des démarches en préfecture pour le faire régulariser. Je pense que 95% des patrons savent qu'ils ont des sans-papiers parmi leurs salariés. Le gouvernement et le patronat ont longtemps fermé les yeux et encaissé les cotisations de ces travailleurs. C'est du racket! Chaque année, le gouvernement encaisse environ 2 milliards d'euros grâce à ces cotisations, sans qu'aucun travailleur sans-papiers n'en profite en retour. Ce secret de polichinelle a disparu aujourd'hui. Le 15 avril dernier, la grève des sans-papiers dans une trentaine d'entreprises a changé les choses."

Les sans-papiers demandent la régularisation par le travail...

J-C. A.: "Aujourd'hui, pour obtenir sa régularisation il faut : être en France depuis au moins 5 ans et avoir des fiches de paie datées des 12 derniers mois. Les régularisations devraient être automatiques, mais les décisions préfectorales sont parfois arbitraires... Le gouvernement tente de freiner les régularisations, surtout chez les intérimaires, car il ne veut pas une déferlante afin de conserver une réserve de main d'oeuvre..."

M. S.: "L'employeur a les pleins pouvoirs car il lui procure le droit de séjour selon son bon vouloir. Un sans-papiers régularisé obtient généralement une carte valide un an... qu'il va falloir renouveler. Si l'employeur ne prolonge pas le contrat de cet employé, il sera à nouveau sans-papiers!"

Récemment, des intérimaires sans-papiers se sont mis en grève dans le Val d'Oise pour obtenir leur régularisation... Pourquoi en arriver là?

J-C. A.: "Certains patrons préfèrent garder des salariés sans-papiers car ils sont plus rentables que s'ils étaient déclarés. C'est pourquoi il faut faire pression sur eux pour obtenir la régularisation.Actuellement, les grèves des sans-papiers redémarrent de façon parcellaire. Mais si le gouvernement freine trop, il s'expose à un redémarrage de la grève massive des travailleurs sans-papiers..."

Ne craignent-ils pas l'expulsion en s'exposant ainsi?

M. S.: "Les sans-papiers ne veulent plus se cacher. Ils font grève pour revendiquer des changements dans leurs situations. C'est risqué, mais ils ont décidé de dire qu'en fait ils ne sont pas clandestins car ils travaillent et paient des impôts."

Que pensez-vous de la régularisation du jeune Afghan champion de France espoirs de boxe française?

J-C A.: "Le cas de cet Afghan n'est pas unique. C'est une sélection par intérêt, pour les talents ou les cerveaux. Ce n'est pas acceptable car tous les travailleurs sans-papiers participent à l'économie française!"

Qu'attendez-vous aujourd'hui du gouvernement?

M. S.: "Il faudrait une politique plus humaine, et plus réaliste sur la durée de la carte de séjour."

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