Pages

samedi 17 octobre 2009

[SOCIETE] Une Malienne esclave en France, elle raconte son chemin de croix (Le Progrès)


Si les esclaves domestiques doivent effectuer toutes les tâches ingrates dans une maison,  bien souvent, ils sont aussi maltraités / PQR

Un couple franco-malien comparait depuis hier devant le tribunal de Bobigny en Seine-Saint-Denis, pour « conditions de travail indignes » sur Rose, une Malienne de 23 ans. Récit

(Source : Le Progrès)

Un couple franco-malien comparaissait hier pour esclavage domestique devant le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). « Je faisais le ménage, le repassage, je m'occupais des enfants. J'étais la bonne à tout faire » : la voix émue, Rose (prénom d'emprunt à la demande de la victime), 23 ans, raconte ses neuf ans au service d'Aïssata et Mamadou S. Ils sont accusés d'avoir amené en France avec des faux papiers Rose, âgée de 11 ans en 1997.

Selon l'accusation, ils l'ont soumise à des conditions de travail indignes, jusqu'en 2006. Cette année là, Rose raconte son histoire à une voisine qui la dirige alors vers des associations. La jeune fille porte plainte contre le couple S. Propriétaires d'un pavillon à Bondy, au nord de Paris, les deux époux, qui avaient été placés en garde à vue pendant 48 heures en 2006 puis libérés, nient.

« Je me levais à 7 heures et me couchais à 22 heures. Je faisais le ménage, le repassage, je m'occupais des enfants (quatre garçons, dont l'aîné a un an de moins qu'elle), je les accompagnais à l'école, je faisais le repas, je lavais la voiture comme si elle sortait du garage », raconte Rose, interrompue par quelques protestations sourdes des proches des époux S. assis dans la salle.

Rose résume ses neuf ans de « maltraitance et d'humiliations » chez les S. à travers des retours en arrière : « Un jour, elle (Mme S.) m'a craché dessus parce qu'elle m'avait demandé de faire la vaisselle en trente minutes et je n'avais pas pu le faire. Un autre jour, elle m'a giflée parce qu'il y avait des traces de pipi sur les draps de son fils aîné alors que j'avais déjà changé les draps » un peu plus tôt. « Elle me disait qu'elle savait ce qui était bien pour moi, que je ne devais pas parler aux gens. Elle disait que je n'étais rien sans elle. Ses enfants me traitaient de gorille. Je ne mangeais plus avec eux parce que je sentais l'eau de Javel. »

« Elle n'avait pas un emploi du temps de petite fille », interroge le président du tribunal. « Elle est née en 1982, elle avait 15 ans. Ce n'était plus une petite fille » au moment où ont démarré les faits, lui répond Mme S., qui rejette intégralement le récit de Rose. La préparation du repas ? « Rose, moi et mes nièces on faisait le repas », répond Mme S. Le repassage ? « Quelqu'un venait repasser ». Le ménage ? « Comme toute fille africaine, elle faisait le ménage, comme toute fille dans une maison. Rose était ma fille », plaide Mme S. Et la scolarité de Rose ? « Pour l'inscrire à l'école, on me demandait une autorisation parentale. Je ne l'avais pas. On a fait des démarches. Il fallait des papiers du Mali, je ne les avais pas. Et puis, Rose ne voulait pas aller à l'école. En 2002, on l'avait inscrite aux cours par correspondance au Cned. Elle avait dit que le niveau était très élevé et qu'elle voulait devenir restauratrice. »

Finalement, elle lâche : « Je suis surprise d'apprendre que Rose était malheureuse. On sortait, il y avait des éclats de rire. Mais si c'est le cas, je suis désolée. »

De son côté, Mamadou S. s'est dit « surpris de l'arrivée de Rose (...) J'avais dit que ça finirait mal. Il y avait des malentendus entre Rose et ma femme. »

Le procureur a requis deux ans de prison, dont 16 mois avec sursis contre Aïssata S., et 14 mois, dont 12 avec sursis, pour Mamadou S., « effacé et dominé par sa femme ».

Le jugement a été mis en délibéré au 6 novembre.

Traite des êtres humains : un esclavage moderne qui prospère en Europe

La traite des êtres humains est un esclavage moderne très lucratif qui continue à prospérer et briser des vies en Europe, souligne collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », à l'occasion de la Journée européenne contre la traite aujourd'hui. Ce commerce criminel arrive en troisième position derrière le trafic de drogue et d'armes en terme de bénéfices : il générerait 27 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel. Chaque année dans le monde, de 800 000 à 2,4 millions de personnes sont victimes de traite des êtres humains. Selon l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la plupart des pays du monde sont touchés par ce phénomène, que ce soit comme pays d'origine, de transit, ou de destination des victimes qui sont principalement des femmes et des enfants. En Europe, la traite concernerait 100 000 à 200 000 personnes, pour la plupart à des fins sexuelles.

Depuis quelques années, les flux de la traite se sont déplacés de l'Asie vers l'Europe de l'Est et du Sud-est, devenue actuellement une zone majeure d'origine et de transit du trafic. Les pays de destination pour ces victimes sont situés en Europe de l'Ouest : Allemagne, Pays-Bas, Italie, France. Une autre route de la traite vers l'Europe de l'Ouest vient d'Afrique et du Maghreb. La traite passe souvent parfois par des « amoureux » qui se révèlent proxénètes mais une méthode plus radicale, l'enlèvement de jeunes filles mineures, est pratiquée en Europe centrale et orientale. En France, le nombre des enfants victimes d'exploitation sexuelle est en augmentation et concernerait 6 000 à 10 000 enfants, venus pour la plupart de l'étranger et notamment de Roumanie, d'Afrique subsaharienne et du Maghreb.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire