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mardi 21 décembre 2010

[CULTURE] Toutes les musiques noires sont à Dakar ! (Le Point)

Le Festival mondial des arts nègres se tient dans la capitale sénégalaise jusqu'au 31 décembre. Reportage.

Seul son délicieux jardin, chose si rare au centre-ville de Dakar, n'a pas changé. La maison de la culture Douta Seck doit sa rénovation et deux nouvelles scènes de spectacle aux grands travaux mis en chantier par le Festival mondial des arts nègres. De quoi rivaliser désormais avec l'Institut français... "Merci au président de la République", déclare tout net, à la suite de bien d'autres ici, le danseur sénégalais Hardo Ka à la fin d'un solo de toute beauté qu'il dédie à la jeunesse africaine. La compagnie Arléa lui succède pour une chorégraphie sur le thème de la pollution. Dakar danse toujours, et l'école des Sables, centre de formation fondé par Germaine Acogny - complice de Maurice Béjart et membre du comité scientifique de cette troisième édition -, reste une plaque tournante dans une discipline contemporaine en plein essor en Afrique.

À quelques mètres de cette scène s'est ouverte ce même jour, en première mondiale, une exposition virtuelle sur les musiques noires réalisée par Mondomix et fruit d'un travail de trois ans. La scénographie est signée du Brésilien Pedro Mendes Da Rocha et ce parcours dans l'épopée des musiques noires est une réussite, qui préfigure l'installation de l'exposition à Salvador de Bahia. On vous remet à l'entrée un smartphone qui sera le guide simple et efficace de la visite. Première étape à la rencontre des monuments sacrés de la musique noire, on s'approche des 21 idoles : de Bob Marley à James Brown en passant par Youssou N'Dour et Billie Holiday, chacune a sa colonne, sur laquelle on se penche pour entrer dans l'univers de l'artiste : biographie, extraits musicaux. "Mama Africa", salle suivante, remonte aux sources des rythmes du continent.

Fierté

Puis on emprunte un couloir avec une émotion forte en "traversant" ce symbole de l'hécatombe marine de la traite négrière. De cette tragédie sortiront toutes les expressions musicales comme autant de messages de liberté, genres qui innervent toujours la création. Blues, jazz, salsa, funk, chaque écran vidéo en témoigne avec des documents remarquables, tandis que la chronologie historique donne des repères. La dernière salle présente "Global Mix" où la diaspora s'empare de tous ces courants, les mêle et les rénove, reggae et hip-hop en sont les rois. Avant de quitter les lieux, on observe un DJ apprenant à une jeune styliste à manier le vinyle, tandis qu'un graffeur s'exprime sur son écran tactile. Tant de technologie dans un pays où l'électricité n'est pas quotidienne dans les foyers ? Certes, mais quand les jeunes visitent ce parcours, ils ressentent une fierté que l'histoire leur a refusée. Et sur elle se basent la confiance en soi et l'avenir.

C'est l'un des enjeux du festival, dont le chaos, heureusement, ne masque pas complètement les réussites ! L'Institut français Baaba Maal convie le Malien Bassekou Kouyaté, les musiciens de Touré Kunda sont dans le public, voilà un des grands moments d'"Africa fête", manifestation locale labellisée par le Fesman. Le même soir, Bonga l'Angolais fait trembler d'émotion son public... Plus tard, le Brésil en fête fera vibrer au son de la samba. Chaque jour démontre la réussite de la programmation musicale. Marcus Miller et Ray Lema au pied du monument de la Renaissance, Capleton et son Prophet Band, en gourou messager de paix, de justice et d'un monde meilleur, tient sous hypnose à l'Obélisque une foule de jeunes Sénégalais hystériques et pourtant non violents. Le reggae marche fort en Afrique ! Youssou N'Dour ne s'y est pas trompé en composant son dernier album Dakar Kingston. Mais on ne verra pas le grand chanteur sénégalais au-delà de sa participation symbolique à l'inauguration : l'artiste des scènes mondiales a décidé de se retirer d'un festival où il ne trouve pas son compte...

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