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vendredi 2 avril 2010

[CINQUANTENAIRE DES INDEPENDANCES] Toubon inaugure, aucun Africain n'était présent à la tribune (Nouvel Obs)

Le 1er avril a marqué le début des commémorations du "cinquantenaire des indépendances africaines", organisé par Jacques Toubon à l'initiative de Nicolas Sarkozy. Problème : aucun Africain n'était présent à la tribune. Le récit de Christophe Boltanski.

Jacques Toubon et Nicolas Sarkozy (AFP) Jacques Toubon et Nicolas Sarkozy (AFP)

Cherchez l’erreur. "Cinquantenaire des indépendances africaines", proclame le logo. Sur l’écran, s’étale une carte du continent noir constellée de petits points jaunes : une étoile pour chacune des quatorze anciennes colonies de la France. Assis aux côtés d’un collaborateur, d’un conseiller de l’Elysée et d’un diplomate du quai d’Orsay, l’ex-garde des Sceaux, Jacques Toubon, vient annoncer solennellement, en ce 1er avril, le début des "commémorations" marquant la fin de l’"empire" français au sud du Sahara. A son invitation, quelques ambassadeurs des pays concernés sont bien présents dans la salle. Mais à la tribune, point d’Africains. Aucune figure de la société civile ou de représentants officiels. Pourquoi faire ? "Je parle moi, en tant que secrétaire général du Cinquantenaire du point de vue qui est celui de notre gouvernement", se défend Jacques Toubon. Une absence qui traduit toute l’ambiguïté de cette initiative voulue par le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, mais diversement appréciée par les parties intéressés. "S’agit-il d’une réconciliation entre l’ancienne puissance coloniale et ses ex-pays colonisés ou l’occasion de célébrer l’empire colonial perdu ?", finira par demander un journaliste africain.

Des oubliés ?

Pendant les deux heures de sa conférence tenue, au centre d’accueil de la presse étrangère (CAPE), à Paris, Jacques Toubon parle longuement de "l’hommage aux soldats qui combattaient dans les rangs de la France (…) appelés abusivement 'tirailleurs sénégalais'", de Savorgnan de Brazza et de son "exploration du (fleuve) Congo" qualifié d"événement considérable dans l’Histoire de l’humanité", du "manifeste de la France libre" proclamé à Brazzaville ou encore de la remontée triomphale de la "colonne Leclerc". Tous ça fleure bon l’exposition coloniale. Des Africains, ceux qui ne servaient pas "l’Empire", ceux qui peuplaient les rives du Congo, avant l’arrivée des "explorateurs", ceux qui n’ont jamais entendu parler de Savorgnan de Brazza et encore moins du "général Leclerc", il n’en est guère question.

Un lapsus embarrassant

Aux journalistes qui l’interrogent sur la "Françafrique", le "bilan mitigé" des accessions à l’indépendance ou les "griefs" des ex-colonisés envers la métropole, Jacques Toubon s’abrite derrière les travaux à venir des historiens. "C’est justement l’objectif de ce cinquantenaire, dit-il, qu’on n’ignore plus l’Afrique et son histoire". Et puis, il y a ce formidable lapsus. Evoquant la coopération militaire entre la France et ses anciennes possessions, Jacques Toubon cite les nombreux "accords de défiance, euh, de défense qui viennent déjà d’être profondément modifiés". Encore, sans doute, un passé qui passe mal.

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