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mardi 2 mars 2010

[CELEBRATION] L'année de l’Afrique en France est mal partie (Le Nouvel Obs)

Le chef de l'Etat voulait fêter dignement le 50e anniversaire de l’indépendance de quatorze ex-colonies. Faute d’argent, son grand projet se résume pour l’instant à un sommet France-Afrique...

Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy

(c) Reuters
Nicolas Sarkozy voulait faire de 2010 "l’Année de l’Afrique". Pour le chef de l’Etat, le 50e anniversaire de l’indépendance de quatorze ex-colonies françaises devait être l’occasion de célébrer une "histoire commune" et notamment le "rôle des Français d’origine africaine dans la République". Une immense fête marquant la réconciliation entre l’Hexagone et son ex-empire. Faute d’argent, son grand projet se résume pour l’instant à un sommet France-Afrique, à Nice, fin mai, et, surtout, à un défilé de contingents africains, en présence de leurs présidents, à Paris, lors du prochain 14 juillet. Une initiative diversement appréciée, l’armée française n’ayant pas laissé que de bons souvenirs sur le continent africain.
Difficile également de laisser parader sur les Champs Elysée des bérets rouges guinéens, responsables à l’automne, d’un terrible massacre à Conakry (157 morts) ou des soldats ivoiriens, cinq ans après le bombardement par l’aviation de Laurent Gbagbo du camp militaire français de Bouaké. Et quid de la nouvelle junte nigérienne, si elle n’a manifesté aucune volonté d’ici juillet de rendre le pouvoir aux civils ? Pour éviter un pareil embarras, ces trois pays devraient ne pas être conviés aux festivités, dit-on au quai d’Orsay.
Tout serait partie du déplacement de Nicolas Sarkozy à Kinshasa, Brazzaville et Niamey, en mars 2009. Une tournée difficile du fait de la chaleur, des retards, des entretiens tendus avec ses homologues, le Nigérien Mamadou Tanja et le Congolais Joseph Kabila. "Il a dit à ses proches qu’il ne voulait plus mettre les pieds en Afrique", confie un familier du Château. Depuis, le président français limite le plus possible ses visites sur le continent, préférant envoyer à sa place au Cameroun et au Nigéria son premier ministre, François Fillon. D’où l’idée de faire venir à Paris, les chefs d’Etat africains. Une façon de faire l’économie de quelques voyages. L’occasion aussi d’une belle photo de famille. Comme celle qui réunissait à l’Elysée les dirigeants de l’Union pour la Méditerranée, le 13 juillet 2008. Le prétexte ? L’anniversaire des indépendances.
La mise en œuvre de cette très périlleuse opération a été confiée en juin dernier à Jacques Toubon, un choix tout aussi controversé du fait des liens de l’ancien ministre avec les réseaux françafricains, notamment avec l’avocat Robert Bourgi. "Une caricature parfaite de la Chiraquie", dénonçait récemment un site togolais. L’intéressé n’a pas arrangé les choses en multipliant des propos paternalistes envers les ex-colonisés. A l’entendre, les Africains, loin d’avoir été les acteurs de leur propre histoire, ne doivent leur émancipation qu’au bon vouloir de leur ancien maître. "A ces Etats, la France et le général de Gaulle ont accordé les indépendances en 1960", a-t-il ainsi expliqué à un quotidien burkinabé, Sidwaya, en juillet dernier. Oubliés les révoltes matées dans le sang au Cameroun ou à Madagascar, la lutte pour la suppression du travail forcé ou du code de l’indigénat, ou encore le refus de la Guinée d’intégrer la Communauté en 1958...
Alors que l’année 2010 entame son deuxième mois, Jacques Toubon se débat toujours pour obtenir des subsides. Lors de la dernière réunion interministérielle, à Matignon, le 22 février, les 13 millions d’euros qu’il réclamait lui ont été refusé. Pas d’argent dans les caisses. Le Quai d’Orsay et Culture France l’ont tout juste autorisé à mettre son estampille sur des activités déjà budgétisées, pour 4 millions d’euros, qui sont susceptibles d’entrer dans son programme. Pour masquer son dénuement, il tente d’apposer son label sur le moindre événement qui touche au continent noir. Il se retrouve aussi contraint de supplier les pays africains de participer financièrement à la commémoration. Une demande d’autant plus mal accueillie que l’idée de confier à l’ex-métropole le soin de célébrer la fin de son propre joug ne fait pas –loin s’en faut- l’unanimité en Afrique.

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