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vendredi 26 mars 2010

[ECONOMIE]Travailleurs sans-papiers: "Il faut que les grosses entreprises cessent d’être hypocrites" (Libération)


En grève depuis octobre, une soixantaine de travailleurs sans-papiers ont envahi jeudi un chantier Bouygues des anciens entrepôts des Galeries Lafayette, à Paris.

Rue Blanche, dans le 9e à Paris: un commando d’une vingtaine de gros bras de la CGT remonte la rue à vive allure. «On y va!», ordonne soudain un des responsables.

Les types courent, s’arrêtent devant le numéro 32, un immeuble en réfection, dont la grille de chantier cède rapidement sous leurs mains. La voie est ouverte. La soixantaine de sans-papiers qui suivent vingt mètres derrière s’engouffrent dans la brèche, sous les yeux ahuris des ouvriers.

Treize heures, le chantier Bouygues des anciens entrepôts des Galeries Lafayette est occupé, pour une durée indéterminée. But de l’opération: faire pression sur le géant du BTP et son sous-traitant Adec, «pour qu’ils arrêtent de se cacher derrière les boites d’intérim, et qu’ils entament les démarches visant à leur régularisation», explique Raymond Chauveau, de la CGT.

Car les 63 sans-papiers qui participent à l’opération, en grève depuis la mi-octobre, ont tous travaillé sur des chantiers Bouygues/Adec, et certains pendant plusieurs années. Moussa, 36 ans, fait partie des expulsés du chantier de l’hôtel Mejestic, rue Lapérouse, dans le 16e arrondissement à Paris, évacué mi janvier par la police.

Pour lui, «Bouygues et Adec savent que l’on travaille avec des faux papiers, et quand il y des remous, ils nous demandent de venir avec les papiers d’un frère ou d’un cousin qui est en règle». Moussa a même travaillé, en 2006, sur un chantier au sein de l’Assemblée nationale… «Il faut que les grosses entreprises cessent d’être hypocrites, insiste la CGT. Elles doivent peser, avec les syndicats, pour la régularisation de tous les sans-papiers en grève depuis la mi-octobre, soit près plus de 6000 personnes».

Certains, explique Raymond Chauveau, ont également œuvré pour l’OCDE ou le secrétariat d’Etat à la coopération. «On bosse ici, on reste ici!», crient derrière lui les occupants qui déambulent parmi les machines. La police arrive, suivie du chef de chantier. On relève quelques identités.

Le responsable Bouygues dénonce un vol d’ordinateur, assez improbable au milieu des fers à béton. «Le coup du vol, on connaît», répond un cégétiste. Une demi-heure plus tard, la tension retombe. Les occupants s’organisent pour investir les vestiaires afin d’y passer leur première nuit. Le chantier est durablement arrêté.

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