AFP PHOTO JACK GUEZ
Soldats de la mission Licorne de l'armée française, en Côte d'Ivoire, en octobre 2005.
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Dakar, Libreville... Le dispositif militaire français au sud du Sahara va-t-il se délester de l'une de ses bases historiques? La confusion entretenue par Paris traduit ses hésitations: comment combiner nouvelle donne géostratégique et repli en bon ordre?
Le plus aguerri des paras y perdrait son latin. Alors, chef, on la ferme, cette base? Et si oui, laquelle? Dakar (Sénégal), Libreville (Gabon), ou les deux? Réponse: aucune, du moins dans l'immédiat... Publié en juin 2008, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, bréviaire des orientations stratégiques pour les quinze ans à venir, préconise de concentrer le dispositif français en Afrique - 8000 hommes aujourd'hui, contre 30 000 à l'heure des indépendances - autour de "deux pôles, un pour chaque façade, atlantique et orientale". Et ce au nom du devoir d'adaptation à la nouvelle donne géopolitique, que traduit l'ouverture d'une nouvelle implantation bleu-blanc-rouge à Abou Dhabi (Emirats arabes unis). Quinze mois plus tard, au risque de brouiller les pistes, Hervé Morin jure n'avoir jamais souhaité le sacrifice d'un des sites subsahariens (voir l'entretien ici).
Audacieux: les conseillers élyséens ont phosphoré des semaines durant sur ce scénario. Il s'agissait alors de mettre en musique - militaire - la volonté de rupture d'avec la Chiraquie, affichée par un Nicolas Sarkozy fraîchement élu, ainsi que l'impératif de rigueur budgétaire. Tous déploiements africains confondus, la facture frôlait les 760 millions d'euros en 2007.
Qui part, qui reste, et où?
Partiront, partiront pas? Le chef de l'Etat et des armées devrait trancher dès le début de 2010. Plusieurs facteurs éclairent cette prudente inflexion. Les émeutes de Port-Gentil, survenues au lendemain de l'élection contestée, le 30 août, du Gabonais Ali Bongo, puis le chaos guinéen, rançon du carnage perpétré dans un stade de Conakry par les nervis de la junte au pouvoir, ont étayé le plaidoyer des avocats du statu quo. De même que la dérive autocratique du Sénégalais Abdoulaye Wade, invoquée mezza voce. Dès lors qu'il s'agit de protéger citoyens et intérêts français, mieux vaut être "sur zone" sans délai. Or, insiste un haut gradé, tout retrait serait irréversible.
Noms de code...
Recamp Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix. Programme présenté lors du sommet Afrique-France du Louvre (1998).
Apsa Architecture de paix et de sécurité africaine. Programme orchestré par l'Union africaine.
FAA Force africaine en attente. Pièce maîtresse de l'Apsa, ce contingent de 15 000 hommes, encore embryonnaire, a vocation à déployer des forces de prévention et d'intervention sur le continent.
Bima Bataillon d'infanterie de marine. Le 23e est installé à Dakar, tandis que le 43e a quitté Abidjan en juin dernier.
FFCV Forces françaises du Cap-Vert : nom donné au contingent établi au Sénégal.
Epervier Dispositif déployé depuis 1986 à Abéché et N'Djamena afin de contrecarrer les ambitions territoriales de la Libye au Tchad.
Licorne Force française d'interposition déployée au centre de la Côte d'Ivoire entre les rebelles nordistes et les forces loyalistes, au lendemain du coup d'Etat manqué de septembre 2002.
Eufor Force européenne à dominante française déployée au Tchad et en République centrafricaine, en lisière du Darfour soudanais, afin de protéger les civils et de prévenir toute contagion du conflit. Relayée depuis mars 2009 par la Minurcat, mission onusienne.
Atalante Opération navale lancée en 2008 par l'Union européenne contre la piraterie maritime au large de la Somalie, dans le golfe d'Aden et l'océan Indien.
Plus diffus, divers foyers d'instabilité militent en faveur du maintien de contingents prépositionnés: la frange est de la République démocratique du Congo, le Soudan, le Nigeria, et plus encore cette "zone grise" saharo-sahélienne, terrain de chasse favori des commandos d'Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi). Le Sud algérien, la Mauritanie, le nord du Niger et du Mali voient aussi transiter maints trafics, drogue sud-américaine, armes légères ou migrants clandestins.
D'autres arguments garnissent le paquetage des vétérans galonnés de l'outre-mer, parfois nostalgiques de la Coloniale: l'essor de la piraterie maritime ou les ambitions continentales des stratèges américains, chinois et russes. Sur un mode moins défensif, on vante les atouts complémentaires des deux bases. Pour Dakar, son statut d'unique accès à l'Atlantique et la proximité du nouveau front de la lutte antiterroriste. Au crédit de Libreville, sa tradition de tremplin aérien vers tous les théâtres de l'intérieur.
Ultime flèche dans le carquois des partisans du sursis: l'impréparation des troupes du continent censées occuper demain les espaces laissés vacants. Annoncée pour l'an prochain, la naissance de la Force africaine en attente (FAA) se fait... attendre. Sa brigade ouest, la plus avancée, ne verra pas le jour avant 2014. Or le parrain français se fait fort d'accompagner la montée en puissance de ce contingent panafricain de 15 000 soldats, appelé à prévenir et circonscrire les conflits.
Paris inscrit sa démarche dans la logique de partenariat et de désengagement graduel amorcé par le programme Recamp (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix). "La France, claironne ainsi Nicolas Sarkozy en février 2008 au Cap, devant le Parlement sud-africain, n'a pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique." Mieux, ses soldats doivent "en priorité" aider le continent à "bâtir son propre dispositif de sécurité collective". Effort de longue haleine...
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