Le chef de la junte au pouvoir en Guinée, Moussa Dadis Camara, suivi par son aide de camp (d) Toumba Diakité, le 2 octobre 2009 à Conakry (AFP Seyllou)
L'incertitude règne en Guinée, quatre jours après la tentative d'assassinat sur Moussa Dadis Camara, le chef de la junte au pouvoir. Blessé à la tête par son aide de camp Aboubacar Sidiki Diakité, dit Toumba - en fuite depuis - «Dadis» est actuellement hospitalisé au Maroc. Son état de santé fait toujours l'objet de nombreuses interrogations.Alexandre Cécé Loua, le ministre guinéen des Affaires étrangères, a affirmé sur RFI que le président autoproclamé de la Guinée était «hors de danger». Il «reconnaît son entourage» mais «ne peut pas encore communiquer», «sur les conseils des médecins». Auparavant, il avait précisé que Moussa Dadis Camara avait «subi une intervention chirurgicale d'un traumatisme crânien et les suites opératoires sont très favorables, son état n'inspire pas d'inquiétude».
Pourtant, le ministre a été incapable d'évoquer une date pour un éventuel retour du capitaine putschiste en Guinée: «Je ne saurais vous le dire, son état évolue sûrement, ce qui me fait dire qu'il pourra s'adresser à la nation, mais je ne peux pas vous dire maintenant à quel moment». Selon Alexandre Cécé Loua, les médecins n'ont pas évoqué «pas pour le moment» d'éventuelles séquelles.
Atermoiements
En dépit de l'optimisme affiché, ces déclarations représentent un infléchissement des proches de Dadis. Le ministre des Affaires étrangères s'était en effet montré plus rassurant dimanche: «Le chef de l'Etat se porte bien» et «dans les deux ou trois jours qui viennent, il pourrait éventuellement adresser un petit message à la Nation», avait-il dit.
Signe des hésitations sur ce sujet, le président burkinabé Blaise Compaoré, médiateur dans la crise guinéenne, avait indiqué vendredi que Dadis Camara était «dans une situation qui est difficile, certes, mais qui n'est pas désespérée».
Ces atermoiements et l'éloignement de Dadis de Conakry, la capitale, fragilisent sa position, déjà ébranlée par le massacre d'opposants guinéens en septembre dernier. Si Dadis Camara a nié en être responsable, plusieurs témoins ont accusé Toumba, chef des «Bérets rouges», d'avoir été présent ce jour-là. La brouille entre les deux hommes, autrefois proches, daterait de cette date.
Chasse à l'homme
Jeudi, Toumba aurait alors tenté de tendre un «piège» au capitaine putschiste, en le faisant venir au camp militaire Koundara, dans le but de le tuer et de «prendre le pouvoir». «Ils ont commencé presque tout de suite à tirer. Un des gardes du corps s'est jeté pour protéger le président, ils l'ont tué (...) et le chauffeur aussi est mort», a ainsi expliqué le porte-parole du chef de la junte, Idrissa Chérif. Selon lui, le capitaine Dadis Camara a «fait le mort» et Toumba a alors «annoncé au talkie walkie: "on a tué le président, le pouvoir est dans ma main, je suis le nouvel homme fort du pays"».
Pour l'heure, Toumba est toujours introuvable malgré la chasse à l'homme organisée. La junte a appelé samedi la population à «collaborer activement aux recherches» pour retrouver l'ancien aide de camp ainsi que ses «acolytes». Une «forte récompense» a été promise, ce qui n'a pas empêché Toumba de s'entretenir avec l'AFP, par téléphone: «Je suis en lieu sûr. (...) J'ai une bonne partie des hommes avec moi. (...) Je suis en Guinée, libre de mes mouvements».
Guerre de succession à venir?
Un conflit ouvert entre différents pans de l'armée pourrait donc éclater. A moins que la Guinée ne se trouve un nouvel homme fort en la personne du général Sékouba Konaté. Le numéro trois de la junte, un des acteurs majeurs de la prise du pouvoir par l'armée le 23 décembre 2008 au lendemain de la mort du «président-général» Lansana Conté, exerce le pouvoir «par intérim».
«C'est lui le numéro 2 de fait, il est rentré et tout le commandement était à l'aéroport pour son accueil. Il est pour le départ de Toumba (que des témoins accusent d'être le responsable du massacre d'opposants le 28 septembre), il voulait arrêter Toumba, c'est l'homme fort du régime», a indiqué un observateur étranger à l'AFP.
Dans ce contexte, l'opposant guinéen Cellou Dalein Diallo, victime de la répression le 28 septembre dernier et réfugié désormais à Paris, a affirmé que la journée de jeudi n'était «qu'un simple règlement de compte entre deux personnes qui étaient complices». Cellou Dalein Diallo a souhaité que les «militaires patriotes» «rouvrent le dialogue avec les Forces vives (oppositions, syndicats, société civile) et mettent en place un gouvernement de transition capable de conduire le pays vers des élections libres, transparentes et crédibles».
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