Le Conseil représentatif des associations noires (Cran) dénonce l'initiative, comme il avait en 2005 protesté contre la « loi scélérate » évoquant le « rôle positif de la colonisation ». Une violente polémique avait finalement conduit le Parlement à rejeter l'article 4 de la loi, après une intervention du président Chirac. Le Cran réclame aujourd'hui l'annulation de ce prix, dont la liste des nominés ne figure pas sur le site de l'Académie :
« Nous en appelons donc aujourd'hui à Luc Chatel, ministre de l'Education, dont le ministère finance cette institution, pour qu'il nous fournisse des explications à ce sujet, et nous demandons à Edmond Jouve, président de cette Académie de la Honte, de renoncer définitivement à ce prix, qui fait injure à nos valeurs républicaines. »
Economiste et fin connaisseur des pays du Sud, Edmond Jouve est le président en exercice de l'Académie des Sciences d'Outre-mer. Quant à Luc Durand-Réville (1904-1998), ancien sénateur du Gabon sous l'étiquette de la Gauche Démocratique et du Rassemblement des Gauches Républicaines, il fut aussi l'auteur de deux ouvrages au titre évocateur :
- Quelques aspects du problème des colonies
- L'Empire de la civilisation
L'explication est à chercher dans le testament du sénateur Durand-Réville, qui a constitué une dotation pour alimenter ce prix (celle-ci rapporte 4 000 euros par an). Patrick Lozès, le président du Cran :
« Lors des discussions avec l'administration de l'Académie, ils nous ont laissé entendre qu'ils sont ennuyés par ce prix, mais qu'ils ne peuvent pas le supprimer, à cause d'un serment ou d'un testament à respecter. C'est l'explication, vague, qu'ils nous ont donnée. Mais notre courrier à M. Jouve est resté sans réponse. »
Edmond Jouve, qui a assuré en 2009 la présidence tournante de l'Académie, conteste le bien fondé de cette polémique, et regrette que Lozès ne l'ai pas appelé avant de lancer sa charge :
« Au printemps, lorsque j'ai découvert cet intitulé, je l'ai fait changer. Nous avons contacté les enfants de Durand-Réville, et nous avons rebaptisé le prix.
Il récompense désormais un travail sur “divers aspects de la colonisation française”, aspects politiques, économiques, culturels, etc. C'est cet intitulé qui figure dans notre dernier annuaire. Le fait que cela n'ait pas été modifié sur le site Internet est fâcheux ».
Le dernier prix Durand-Réville a été attribué vendredi à un Camerounais, Blaise-Alfred Ngando, pour une thèse sur »La présence française au Cameroun, 1916-1959 ». A lire le sous-titre de la thèse, la volonté du sénateur décédé semble encore respectée : « Colonialisme ou mission civilisatrice ? »
►Mise à jour 13/12/2009, 13 heures : précisions sur le testament de Durand-Réville et réaction d'Edmond Jouve.
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