mercredi 4 novembre 2009
[SANTE] Alerte au blanchiment de la peau (Le Point)
Blanchir sa peau au péril de sa santé. Selon les chiffres communiqués par la Mairie de Paris, environ 20 % des femmes de couleur résidant en région parisienne utiliseraient des crèmes éclaircissantes. Une pratique souvent à hauts risques puisque certaines contiennent des produits toxiques. La mairie s'est donc saisie de la question et lance cette semaine une grande campagne de prévention. Pour sensibiliser le public, près de 6.000 affiches , portant la mention "séduire oui, se détruire non", seront placardées sur les panneaux Decaux des 18e, 19e et 10e arrondissements.
(Source : Le Point)
Des quartiers qui concentrent l'essentiel de la population d'origine africaine de Paris et où des produits interdits ont été saisis à plusieurs reprises cette année. La campagne, qui vise spécialement les plus jeunes, s'appuie sur une bande dessinée intitulée " Beauté d'ébène " . Un fascicule pédagogique , soulignant les dégâts provoqués par l'usage répété des produits éclaircissants, doit également être distribué dans les mairies d'arrondissement, les centres de santé et PMI (Protection maternelle et infantile). Une fête est même prévue samedi à la mairie du 18e .
L'initiateur de cette campagne de prévention, Ian Brossat, président du groupe communiste au conseil de Paris et élu du 18e arrondissement, s'est battu toute une année pour qu'elle voie le jour et soit dotée d'un budget conséquent, en l'occurrence 30.000 euros. "J'ai découvert le problème à l'occasion d'une saisie exceptionnelle de produits blanchissants illicites à l'automne dernier. Il m'a alors semblé que, si l'aspect répression semblait se renforcer, rien n'était fait pour traiter la demande", explique-t-il. "Tant que des personnes chercheront à se procurer ces produits, elles trouveront sur Internet ou ailleurs", estime-t-il. Or, les séquelles du blanchiment peuvent être dramatiques. Outre une peau brûlée par des produits plus ou moins agressifs, certaines crèmes, à base d'hydroquinone - interdites en France, mais couramment vendues sous le manteau -, ou encore de dérivés de cortisone, peuvent conduire à des pathologies graves comme l'hypertension ou l'insuffisance rénale.
Isabelle Mananga, présidente de l'association Label beauté noire à Évreux et pionnière de la lutte contre le blanchiment de la peau, regrette pourtant que seuls les quartiers "noirs" de la capitale aient été ciblés. "Cela stigmatise une fois de plus cette population alors que les femmes noires des quartiers chics utilisent elles aussi ces crèmes, de même que les femmes asiatiques", tient-elle à préciser. Depuis 2003, Isabelle Mananga milite pour que les autorités de Santé s'emparent de cette question. "C'est une affaire de santé publique au même titre que les méfaits des UV liés à la pratique du bronzage", avance-t-elle. "Nous recevons à Évreux des femmes venues de toute la France. Elles viennent de Marseille ou de Nice pour trouver de l'aide. Nous sommes débordés", raconte-t-elle. "La prise en charge est insuffisante. Seuls cinq médecins en France se sont spécialisés sur ce problème, et, en général, les dermatologues nous disent qu'ils ne sont pas formés dans ce domaine", avance Isabelle Mananga.
Entre souci d'esthétique et malaise social
Quant aux raisons qui poussent les femmes à se blanchir la peau, elles sont diverses. "Environ 20 % des femmes que je rencontre recourent à ces crèmes pour obtenir une peau plus blanche. Les autres recherchent simplement une solution esthétique parce que, sous notre climat tempéré, leur peau noire stresse et présente des tâches de pigmentation", relève-t-elle. C'est pourquoi la présidente de Label beauté noire prépare le lancement d'un label destiné à distinguer de vrais produits cosmétiques de qualité pour les peaux noires, qui répondent à la demande des femmes de couleur, en toute sécurité. Mais blanchir sa peau répond également à un malaise social. Ainsi, l'historien Pap Ndiaye, auteur de La Condition noire, voit dans cette pratique - qui dépasse de très loin les frontières de l'Hexagone - la correction d'un handicap social.
"Quand nous intervenons dans des établissements scolaires, les jeunes nous disent : on veut être à la mode, avoir une belle peau claire comme nos idoles, Rihanna ou Beyoncé", explique Isabelle Mananga, pour qui le manque de modèle présentant une peau foncée pèse très lourd. "Heureusement qu'il y a Rama Yade, jeune, belle, noire et ministre. Je ne l'ai jamais rencontrée, mais je peux vous dire qu'elle nous aide beaucoup dans notre travail." Le phénomène, lui, demeure difficilement quantifiable. Aucune enquête sérieuse n'a encore été menée sur le sujet en France. Isabelle Mananga réclame une grande étude épidémiologique pour évaluer le phénomène. Ian Brossat, lui, espère que l'initiative parisienne fera boule de neige. "Il faut que d'autres collectivités locales nous emboîtent le pas, de même que le ministère de la Santé."
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