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dimanche 8 novembre 2009

[STYLE] Exposition 'Mon beau sapeur" (Le Point)

Mon beau sapeur

© Thierry Orban/ABACAPRESS.COM

Sapeurs, oui. Pompiers, non. Sapés, oui, de pied en cap, selon les codes de la Sape, la Société des ambianceurs et des personnes élégantes. Pour ce qui est de l'ambiance, on peut compter sur eux, et en matière d'élégance, ils sont, tout simplement, indépassables. Eux, ce sont à l'origine des Congolais de Brazzaville, mais aussi de Kinshasa (attention, la rivalité entre les deux rives du Congo est un point sensible !), qui cultivent jusqu'à l'excellence la passion du vêtement. Tout L'art d'être un homme , la thématique choisie par le musée Dapper pour sa nouvelle exposition, s'ouvre sur "L'univers de la Sape" exploré par des photographes : le Congolais Baudouin Mouanda, une des vedettes des Rencontres photo de Bamako, qui commencent cette semaine. Et l'Espagnol Hector Mediavilla.

(Source : Le Point)

Sous toutes les coutures et les cieux du Congo et de France, quelle allure que celle de ces dandys africains prêts à se damner - et se ruiner - pour les plus grandes marques européennes ! Mais qu'est-ce qui fait courir un sapeur ? Parvenir à l'excellence vestimentaire ? Pas seulement.

L'histoire de la Sape commence dès le retour au pays des anciens combattants congolais. Paris s'inscrit comme capitale de la mode au coeur d'une société où l'art du paraître compte plus que tout. Imitation du colon ? Non, car le phénomène prend son essor après les indépendances. Du côté de l'ex-Congo belge, il pourrait correspondre au rejet du mot d'ordre du général Mobutu : en quête d'"authenticité", pour épingler le costume-cravate occidental, le dictateur du Zaïre prône l'"abacos", abréviation de "à bas le costume !" C'est à Paris qu'on ira s'approprier les symboles de l'élégance. La Sape ouvre son Q. G. aux alentours de la Maison des étudiants congolais, près de la place de la République.

"En aventurier, on va au pays du Blanc acquérir des objets, notamment des vêtements de luxe", explique Brice Ahounou, anthropologue nommé "expert ès sapes" pour le musée Dapper. De retour, celui qui a pu réunir sa "gamme" (cf. lexique) est acclamé, porté aux nues et cité dans les chansons mythiques du grand gourou de la Sape, Papa Wemba : "L'examen, c'est à Paris, mais la proclamation se fait au pays." Suivant les mouvements de migrations, la Sape connaît son apogée dans les années 80, les sapeurs parisiens remontant vers Strasbourg-Saint-Denis, puis Château-Rouge. Au coeur de ce quartier africain, le surnommé Bachelor ouvre, en 2005, une boutique de vêtements aux couleurs pétantes spécialement conçus pour sa clientèle africaine. On trouve aussi chez lui les fameux DVD où les sapeurs, d'un continent à l'autre, s'échangent les nouvelles de la mode.

Dernier épisode ? Une guerre féroce entre sapeurs et "sapologues". Ou plus exactement "sapelogues", selon le restaurateur Ben Mukasha, qui invente le terme au début des années 2000, dans le but, dit-il, de "revigorer le mouvement de la sape et redonner du rêve à une jeunesse congolaise meurtrie par la guerre civile. La sapelogie, science de la sape, dépasse l'art de s'habiller". La sape comme catharsis ?

Aujourd'hui, les sapeurs réservent leurs défilés aux fêtes associatives et privées, mariages, baptêmes, funérailles. Pour Brice Ahounou, qui s'en expliquera lors d'un Week-End de la Sape au musée Dapper, ce culte du vêtement pourrait receler une dimension religieuse : "Le phénomène dépasse la mode. Les sapeurs ne sont pas dans la tradition, mais la reportent dans leur attitude face aux objets qui deviennent des fétiches modernes, et font qu'ils ne sont jamais seuls." Question joker : existe-t-il des sapeuses ? Oui. Mais le nom n'est pas encore déposé...

REGARDEZ des extraits du DVD "Les Allures 2"


"L'art d'être un homme, Afrique, Océanie", exposition " apéritive " des photos de Baudouin Mouanda et de Hector Mediavilla. Du 15 octobre au 11 juillet 2010. www.dapper.com.fr. Week-End de la Sape (27-29 novembre) : avec l'écrivain Alain Mabanckou et l'acteur Djo Balard, "roi de la sape" dans les années 80.

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