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vendredi 20 février 2009

[Politique] Les Antillais de Lyon, entre espoir et indignation

ANTILLES - Sylvain Ouikede, 42 ans, originaire de Guadeloupe, est installé à Lyon depuis trente ans. IL suit de près le conflit qui enflamme son île depuis un mois. «Je ne suis pas étonné, dit-il, la crise était largement prévisible, elle couvait depuis des dizaines d'années ». Cet ancien danseur chorégraphe, devenu directeur de la radio RMJ Tropical installée à Genève, suit le conflit dans la presse, prend des nouvelles auprès de ses proches installés sur place. Il sait tout des revendications du LJP (Collectif contre l’exploitation outrancière), qui mobilise chaque jour des milliers de manifestants là-bas. Le mot d'ordre, « contre la vie chère » est bien compris des 35 000 afro-caribéens qui résident dans l'agglomération lyonnaise...

(Source : http://www.libelyon.fr/info/2009/02/les-antillais-d.html)

Les parents de Sylvian Ouikede vivent à Marie-Galante, une île de la Guadeloupe, à quelques miles nautique de Pointe à Pitre. « Mes parents s'en sortent très bien, dit-il, ils ont un bout de jardin qui leur permet de subvenir parfaitement à leurs besoins alimentaires. Ils se contentent de peu...». Pour lui qui a beaucoup d'amis engagés dans le collectif contestataire LKP, « la crise est en réalité une crise sociale. Les différences entre les riches et les pauvres sont exacerbées chez nous, ça dure depuis de nombreuses années. » Installé en Guadeloupe jusqu'à l'âge de douze ans, il dit avoir « toujours entendu parler de la vie chère, depuis toujours». Ses parents et ses grands parents en parlait déjà.

Après les affrontements avec la gendarmerie et la mort d'un syndicaliste, Sylvain espère que la grève va bientôt s'arrêter, « on va bientôt s'en sortir », pronostique-t-il.

Léonce Lebrun positive encore plus. « Après cette grève, rien ne sera plus jamais comme avant », affirme ce Martiniquais installé à Lyon depuis quarante ans. Fondateur du site internet afcam.org, il défend l'idée d'une union africaine, des Caraïbes et Américaine noire. La crise, selon lui, est non seulement économique, sociale, mais également politique. « Depuis l'abolition de l'esclavage en 1848, dit-il, les Békés, les anciens négriers ont conservés leurs terres. Ils disposent toujours de 80 % du patrimoine mobilier et immobilier en Martinique et en Guadeloupe. Jusqu'à présent, les caribéens ont accepté cette situation en silence, mais la victoire d'Obama aux Etats-Unis a tout changé. Elle leur a donné des ailes». Cela dit, sur place, ni le LKP, ni aucun manifestant n'appellent ouvertement à l'indépendance.

Léonce Lebrun dénonce la politique de la France outre-mer : « Ce sont des pays où les gens consomment trop. Le parc automobile est excessif. En Martinique et en Guadeloupe, dans un foyer de cinq personnes, il y a cinq voitures. Pourquoi ? En partie, parce que les fonctionnaires français qui viennent s'installer chez nous bénéficient de salaires majorés de 40 % . C'est un privilège colonial qui participe automatiquement à de l'augmentation des prix». Une situation qui frustre l'immense majorité de la population selon lui, « surtout quand on sait que là bas 50 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage ». En soutien « au peuple gaudeloupéen en lutte », Léonce Lebrun et les associations caribéennes de Lyon organisent une grande manifestation samedi 21 février, à 14 heures, de la place Bellecour à la préfecture.

Albertine, guadeloupéenne installée à Lyon depuis trente cinq ans sur les Pentes de le Croix Rousse, n'y participera certainement pas. En lien avec sa famille en Guadeloupe, elle juge à 63 ans que les jeunes qui manifestent « n'ont vraiment rien dans la cervelle ». Elle ne comprend pas pourquoi ils n'ont pas accepté la main tendue des élus locaux, présidents des conseils général et régional qui avaient accepté d'augmenter les bas salaires de 100 euros jusqu'à l'été. « Ils ne se rendent pas compte, dit elle. Ici aussi il y a des problèmes, des gens qui crèvent de faim dans la rue ». Là bas, à 8.000 kilomètres de Lyon, les insurgés, comme les nomme Léonce Lebrun, se préparent pour une nouvelle journée de grève.

Lucie BLANCHARD

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