L'ambassadeur de France à Port-au-Prince appelle à agir avant la saison des pluies.
Plus d'un mois après le tremblement de terre de Port-au-Prince, les Nations unies n'ont toujours pas procuré de refuges provisoires à la majorité des sans-abri haïtiens. Seules 20 000 tentes ont été distribuées alors qu'il en faudrait 100 000 pour répondre au dénuement d'un million de déplacés. La plupart des sinistrés continuent à vivre sous des bouts de tissus alors que s'annonce la saison des pluies.
«La priorité des priorités est de livrer des tentes pour que les sans-logis dorment au sec. Il faut faire vite et leur fournir ce dont ils ont besoin», estime Didier Le Bret, l'ambassadeur de France en Haïti, dans un entretien accordé au Figaro. «Il est indispensable que la réflexion des Nations unies sur le moyen et long terme s'accompagne en parallèle d'une réponse aux préoccupations immédiates. Les deux démarches sont complémentaires», insiste le représentant français, qui s'active depuis la première heure de la catastrophe sur le terrain. «Si rien n'est fait, un risque d'explosion sociale est possible, s'inquiète Didier Le Bret. Les gens sont pour l'instant très calmes et il n'y a pas, contrairement à certaines affirmations, d'insécurité particulière à Port-au-Prince. Mais l'impatience monte. Voici quelques jours, des centaines de manifestants ont défilé en réclamant des tentes et en menaçant de brûler les 4 × 4 des étrangers.»
Atermoiements de l'ONU
Ses craintes sont partagées par Marie-Pierre Allié, la présidente de Médecins sans Frontières. «Il faut organiser la reconstruction, mais il faut surtout fournir des abris, sinon les maladies gagneront du terrain», estime-t-elle.
Après bien des atermoiements, les Nations unies commencent à prendre conscience qu'une course contre la montre avant les pluies est engagée. «Il est urgent de mettre quelque chose d'un peu imperméable au-dessus de toutes les têtes», a relevé, vendredi à Port-au-Prince, John Holmes, secrétaire général adjoint des Nations unies aux affaires humanitaires, avant de reconnaître que les besoins en latrines ne sont couverts qu'à 5 ou 10 %.
La question de l'aide aux sinistrés est pourtant au cœur des réflexions onusiennes depuis des semaines. Les Nations unies ont opté dans un premier temps pour des tentes puis ont changé de stratégie, sur l'avis de l'Organisation internationale des migrations (OIM), pour donner la priorité aux bâches. L'objectif était de passer plus facilement à la construction d'abris plus solides avant l'arrivée tant redoutée des cyclones d'été. L'OIM était jusqu'à présent chargée de la coordination de l'aide en abris par 55 organisations humanitaires, une mission qu'a reprise partiellement à son compte la Fédération internationale de la Croix-Rouge. «Le dossier passe d'un organisme à l'autre sans prise de décision avec un défaut de planification et une absence de leadership. On se retranche derrière des arguments pseudo-techniques pour en définitive ne pas agir, critique une source diplomatique sous couvert d'anonymat. Toute l'énergie des Nations unies se concentre sur la coordination en interne.»
Problème sécuritaire
Le manque de réactivité de l'ONU s'expliquerait également par la volonté de ne pas fixer des populations dans des secteurs insalubres. Vouloir aller trop vite risquerait, selon John Holmes, d'entraîner des «erreurs» et de créer des «taudis permanents». En optant pour des bâches, les Nations unies espèrent passer plus vite à la phase suivante. Les protections en plastique seraient peu à peu remplacées par du bois et de la taule. Les sinistrés construiraient alors des cabanons plus solides et auraient plus d'autonomie, en attendant des maisons qui prendront des années à bâtir. Mais ce scénario repose sur deux facteurs incertains. D'une part, sur la réparation du port par l'armée américaine pour accélérer l'envoi massif de matériaux de construction, or celle-ci pourrait ne pas être terminée avant fin mars. Et surtout sur le déblaiement rapide de 63 de millions tonnes de gravats, or celui-ci est pour l'instant réalisé à la main. Le secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Alain Leroy, s'est réjoui de l'annonce vendredi de l'envoi sous deux semaines par l'Union européenne d'ingénieurs militaires avec des équipements lourds. Mais le temps presse. «La crise des sans-abri est avant tout un problème humanitaire, mais elle fait aussi partie de nos deux plus gros soucis sécuritaires avec le problème des 5 000 prisonniers évadés ( une centaine d'entre eux a été reprise, NDLR)», commente le haut responsable de l'ONU.
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