Vous organisez un concert, dimanche, au Cabaret sauvage. Une première étape avant le rassemblement du 1er mars?
Ce concert est une manière de sensibiliser à quatre semaines du 1er mars, mais aussi de rester indépendants car nous ne voulons pas être récupérés par des partis politiques ou des associations. Cela va nous permettre de faire entrer un peu d'argent dans les caisses afin de financer nous-mêmes les tracts et les affiches de la "journée sans immigrés". Le concert est aussi une manière de faire parler de nous et de notre journée d'action.
Comment vous est venue l'idée du collectif "La journée sans immigrés"?
Les propos de Brice Hortefeux, lors de l'université d'été de l'UMP à Seignosse en 2009, nous ont fait sortir de nos gonds. A ce moment-là, nous nous sommes dit qu'il fallait faire quelque chose. Ce n'est pas la seule raison, plutôt la goutte d'eau qui fait déborder le vase. On constate depuis une quinzaine d'années que les propos xénophobes, ainsi qu'une certaine stigmatisation à l'encontre des populations dites "immigrées", ne sont plus uniquement l'apanage de l'extrême-droite. Les dérapages des hommes politiques, de droite comme de gauche, d'Hortefeux à Frêche, sont de plus en plus banalisés, et ce, au plus haut sommet de l'Etat.
Quel est l'objectif de cette journée?
Nous n'avons aucune revendication. L'objectif est de marquer les esprits. Aujourd'hui, les fils d'immigrés – même ceux qui sont là depuis cinq ou six générations – sont perçus par une partie de la France comme des immigrés. Certaines personnes pensent encore que les immigrés sont tous des tires-aux-flancs. Pourtant, il suffit de prendre le métro à 5h30 du matin pour se rendre compte que sans les immigrés, ou sans ceux qui sont vus comme tels, la France ne marche pas.
Vous voulez bloquer le pays?
Non, notre but est de montrer que l'immigration n'est pas un problème mais une richesse. Pas une simple force économique, mais aussi une force culturelle. Et ça, il n'y a pas un seul homme politique qui a le courage de le dire… Nous exprimons donc un ras-le-bol. Nous en avons marre que l'on se serve de l'immigré à des fins électoralistes. Avec cette journée, nous allons essayer de montrer que le vivre ensemble est menacé. Et si rien n'est fait, dans vingt ans, ce sera trop tard.
Pourquoi avoir choisi la date du 1er mars?
«Montrer par leur absence, la nécessité de leur présence.»Nous avons un peu calqué notre journée sur celle des Etats-Unis. En mai 2006, les immigrés latinos avaient décidé d'organiser une journée de boycott économique pour s'opposer à une loi visant à criminaliser l'immigration clandestine, alors que c'était eux qui faisaient marcher le pays. Ils avaient presque bloqué les Etats-Unis. Des villes comme Los Angeles avaient été paralysées. Les latinos avaient ainsi montré, par leur absence, la nécessité de leur présence.
A qui s'adresse cette journée? Et comment va-t-elle se dérouler?
La journée s'adresse aux Français issus de l'immigration mais aussi à tous ceux qui sont solidaires et conscients de l'apport de l'immigration dans notre pays. Le 1er mars, on les appelle à ne pas aller travailler mais aussi à ne pas consommer. C'est un boycott économique au sens le plus large.
Ne pas aller travailler est souvent plus facile à dire qu'à faire… Ne craignez-vous pas une faible mobilisation?
C'est pourquoi nous sommes actuellement en pleine négociation avec les syndicats pour essayer d'obtenir un appel à la grève. Nous réfléchissons aussi à d'autres armes. Nous avons, par exemple, prévu d'organiser des rassemblements entre midi et 14 heures devant des mairies à Paris, Lille, Lyon… Nous sommes en attente des autorisations. Pour l'heure, nous avons créé 35 comités dans toute la France et 60.000 membres nous soutiennent sur Facebook. Le jour J, la mobilisation va être effectivement compliquée à quantifier. Mais je pense que cela se ressentira dans les entreprises. Il y a quelques semaines, une femme de ménage, qui touche 700 euros par mois et qui a deux enfants, m'a dit qu'elle était prête à perdre une journée de salaire pour retrouver sa dignité. Il y a une vraie demande, nous recevons de nombreux mails, coups de téléphone… Des personnes m'ont déjà dit qu'elles avaient rêvé de cette journée.
Une manière également de faire passer un message au gouvernement en plein débat sur l'identité nationale?
Nous avons créé notre collectif bien avant ce débat. Cette journée n'est pas uniquement un message au gouvernement actuel, car on se rend bien compte qu'il y a aussi des personnalités de gauche qui tiennent ce genre de discours. Le 1er mars est un appel à la société en général. Il y a depuis longtemps – déjà en 2002 quand le FN est passé au deuxième tour – un climat propice à la stigmatisation de l'immigration. Par contre, nous allons prochainement envoyer une lettre à Nicolas Sarkozy, qui est le premier fils d'immigrés de France (voir la lettre). Je suis certain qu'il va s'en rappeler, qu'il va être solidaire de notre cause et qu'il n'ira pas travailler ce jour-là. J'en suis persuadé.
Votre appel a été entendu dans d'autres pays?
Effectivement, l'Italie, la Grèce et l'Espagne ont lancé le même mouvement que nous, à la même date. Un collectif allemand doit aussi venir nous rendre visite dans les prochaines semaines pour, peut-être, reprendre l'initiative.
La journée du 1er mars, une première étape avant d'autres rendez-vous?
Cette journée est faite pour marquer les esprits. Si des politiques veulent s'emparer de notre initiative pour faire en sorte que l'on parle de l'immigration autrement, tant mieux. Mais pour nous, après la journée du 1er mars, cela s'arrête. Nous ne nous inscrivons pas dans le long terme. Sauf si, dans six mois, un an, il y a d'autres provocations. Alors nous serons peut-être amenés à faire deux fois plus fort. Mais, pour le moment, nous souhaitons que l'on parle de l'immigré dans d'autres termes, qu'on lui redonne sa juste valeur et sa juste place.
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