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mardi 12 janvier 2010

[ETATS-UNIS] Qui a le droit de dire «negro»? (Libération)


Pour un Sénateur démocrate, c’est inadmissible. Mais pour le bureau du recensement, qui prépare le prochain décompte de la population américaine, le mot “negro” est encore une réalité qui figurera sur les questionnaires adressés le printemps prochain aux 112 millions de foyers américains. Une fois encore, la rencontre de la question noire et de la political correctness plonge l’Amérique dans une de ces délicieuses contradictions qui font -une partie de- son charme.

Ce mardi matin encore, CNN s’interroge si le leader de la majorité démocrate au Sénat Harry Reid pourra survivre au fait d’avoir employé, durant la campagne présidentielle de 2008, le mot “negro”, associé à Barack Obama. Obama pourrait bien être le premier Noir élu président, avait plaidé Harry Reid (qui était par ailleurs parmi les premiers soutiens de la candidature Obama), car sa “peau est claire” (“light skinned”) et il ne parle “pas le dialecte negro, à moins de le vouloir”. Depuis la révélation de ces propos, tirés d’un nouveau livre sur la campagne 2008, Game Change, des journalistes Mark Halperin et John Heilemann, les Républicains mitraillent à tout va, exigeant rien moins que la démission du leader démocrate…. Barack Obama a dû intervenir en personne: Reid a fait usage d’un langage “inapproprié”, a tranché le président, mais il garde toute sa confiance car “il a toujours été du bon côté de l’Histoire”.

Tandis que Harry Reid s’est platement excusé pour ses propos malheureux, les ultra-réacs, à la Rush Limbaugh, ont d’ailleurs rattrapé au vol ce mot de “negro” pour se lancer dans de nouveaux délires sur la couleur de peau d’Obama, qui sont eux franchement racistes.

Si le mot “negro” est plutôt évité aujourd’hui aux Etats-Unis, car considéré comme péjoratif, certains comme The Universal Negro Improvement Association continuent d’ailleurs à l’employer (ils expliquent ici pourquoi). Et les formulaires du recensement 2010 demanderont donc à tous les Américains de préciser s’ils se considèrent comme “Black, African Am. Or Negro”. Au vu de la polémique actuelle, le bureau du recensement a dû expliquer qu’il emploit le terme depuis 1950. En 2000, plus de 56 000 personnes se sont ainsi identifiées comme “negro”. A l’avenir, le terme pourra être retiré, si cela n’empêche pas la population noire de bien répondre au recensement (un des problèmes majeurs de l’entreprise) a toutefois indiqué le bureau du recensement. Peut-être la polémique suscitée par Harry Reid aidera finalement l’Amérique à se débarrasser de ce vilain mot…

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