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samedi 9 janvier 2010

[OUTRE MER] La Guyane et la Martinique votent dimanche sur leur statut (Libération)

Le référendum porte sur un éventuel passage à l'article 74 de la Constitution qui transformerait ces deux DOM en collectivités d'outre-mer (COM) avec, à la clé, la possibilité d'une autonomie accrue.

Alors que le leader du LKP, Elie Domota, a appelé la Guadeloupe à défiler ce samedi, un an après la crise sociale qui a secoué l’île, on votera dimanche en Martinique et en Guyane. Les électeurs sont appelés à se prononcer sur l’évolution statutaire de ces deux départements d’outremer, avec la possibilité de gagner en autonomie. Une consultation qui aura aussi valeur de test quant à la confiance des populations en leurs élus - majoritairement favorables à un changement statutaire - et pour la «relation rénovée avec la métropole» prônée par Nicolas Sarkozy. Explications.

Sur quoi la consultation porte-t-elle?

La question est technique: «Approuvez-vous la transformation de la Martinique (Guyane) en une collectivité d’outremer régie par l’article 74 de la Constitution, dotée d’une organisation particulière tenant compte de ses intérêts propres au sein de la République ?» Régis par l’article 73, donc soumis aux mêmes règles que la métropole, ces DOM auront l’opportunité de rejoindre les autres COM (collectivités d’outremer): Saint-Martin, Saint-Barthélémy, Polynésie, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon.

En réalité, trois scénarios institutionnels sont possibles. Si le «non» l’emporte dimanche - soit le maintien de l’article 73 -, les électeurs revoteront le 24 janvier, cette fois pour se prononcer sur la mise en place d’une collectivité unique qui fusionnerait les conseils généraux et régionaux, Martinique et Guyane étant, toutes deux, des régions monodépartementales. Un méthode de consultation en deux temps qui fait grincer certains tenants de l’article 74 qui y voient un encouragement déguisé au maintien du 73.

Que changerait la transformation en collectivité d’outremer?

Accédant à la demande des élus locaux qui, réunis en congrès en 2008 et 2009, avaient demandé cette consultation, Nicolas Sarkozy a prévenu: l’indépendance n’est, en aucun cas, à l’ordre du jour. En approuvant l’article 74, la Guyane et la Martinique se doteraient d’un statut particulier permettant des adaptations à «leurs intérêts propres» et, éventuellement, davantage d’autonomie. En fait, comme l’explique Ferdinand Melin-Soucramanien, professeur de droit public à Bordeaux IV et auteur de L’outre-mer français : un «modèle» pour la République? (2009, Ed.PUB), l’article 74 est à géométrie variable, avec «une sorte de 74 "light", assez proche du 73» et une autre variante laissant «une plus grande marge de manoeuvre aux élus, comme c’est le cas à Saint-Martin, Saint-Barthélémy et en Polynésie». Pour certaines compétences, ces collectivités peuvent alors «adopter des lois locales, soumises au contrôle d’un juge administratif».

Si le passage au 74 est voté, la nouvelle COM aura à négocier avec la métropole son degré d’autonomie. En somme, une répartition des compétences «à la carte, fixée par une loi organique» votée au Parlement, précise Olivier Gohin, professeur de droit constitutionnel à Paris II. «Les élus locaux n’ont, par exemple, pas l’intention de changer pour ce qui relève de la protection sociale», compétence de l’Etat, qui garde aussi ses compétences régaliennes (Défense, justice, etc). «Mais les élus pourraient demander de s’occuper du fiscal, de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme ou de l’environnement», cite Olivier Gohin.

Tout dépend donc du contenu de cette loi organique: pour l'heure, «les électeurs ne savent pas précisément ce qui est au menu», note Ferdinand Melin-Soucramanien.

Quels sont les arguments de part et d’autre?

«Soixante-treizistes» contre «soixante-quatorzistes»: Les pro-73 font valoir leur «attachement au département», expose Olivier Gohin qui pointe «une sorte d’irrationnel ultramarin, l’idée que le département protège du largage de l’Etat». «Certains présentent le 74 comme la première marche vers l’indépendance, ce qui est faux: il y a des garde-fous, les collectivités ne sortent pas du giron de la République et le contrôle du représentant de l’Etat demeure», complète Ferdinand Melin-Soucramanien. A la «garantie d’une certaine sécurité et de l’assimilation» invoqué par les uns, les autres opposent une «meilleure maîtrise du destin des populations locales».

Favorable à l’article 74, la députée de Guyane, Christiane Taubira, estime que «s’il y a des espaces de décision que nous n’avons pas occupés, avec les défis qui s’annoncent, notamment concernant la jeunesse, les espaces actuels ne suffiront pas». «Avec l’article 73, argumente-t-elle, on est obligés d’avancer au rythme du calendrier législatif» de métropole.

La ministre de l’Outremer, Marie-Luce Penchard, refuse, elle, de prendre posision. Dans une interview parue jeudi dans les éditions locales de l’Express, elle appelle les deux DOM à faire un «choix franc et clair»: «L’outremer a besoin de réponses et de stabilité.»

Pourquoi la Réunion et la Guadeloupe ne votent-elles pas?

La Réunion a écarté la perspective d’un renforcement de son autonomie «normative» et ses élus ont même obtenu qu’une disposition spécifique soit, pour cela, introduite dans la Constitution.

Après la crise sociale de 2009, les élus guadeloupéens ont, eux, préféré repousser toute «modification institutionnelle ou statutaire» pendant 18 mois, le temps d’élaborer un «projet de société», «incompatible», selon eux, avec un tel scrutin. Lors d’un précédent référendum, en décembre 2003, la Guadeloupe avait largement rejeté (72,98%) la proposition d’une collectivité unique se substituant au département et à la région. Le résultat avait été plus serré en Martinique (50,5% contre).

Selon un sondage de l’institut Qualistat Etudes et Conseil publié jeudi, les Martiniquais pourraient se prononcer dimanche à 59% contre le passage à l’article 74, 41% y étant favorables (1).

(1) Enquête réalisée par téléphone, du 26 au 30 décembre, auprès d’un échantillon de 400 Martiniquais représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

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