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jeudi 31 décembre 2009

[DISCRIMINATION] Le FN tisse sa toile contre la discrimination positive (Libération)

Avec SOS Egalité, le Front national se dote d’un habit républicain. Au nom de l’égalité, cette nouvelle association, conçue comme un pendant de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) ou de SOS Racisme, propose de lutter contre la discrimination positive, d’en recenser les victimes et de leur apporter un soutien. Même si nulle référence au parti frontiste ne figure sur le site de l’association, Marine Le Pen est à l’initiative du projet avec l’économiste Jean-Richard Sulzer, secrétaire général du groupe FN au conseil régional d’Ile-de-France et désormais président de SOS Egalité. Le site affiche 12 000 visiteurs quotidiens et a reçu une cinquantaine de plaintes dont deux a priori recevables, selon Sulzer.

«Tout est parti du buzz internet suite aux propos d’Anne Lauvergeon», explique-t-il. Le 16 octobre, participant au Women’s Forum, congrès réunissant des dirigeantes du monde entier, la présidente d’Areva déclarait : «A compétences égales, on choisira la femme, ou la personne venant d’… autre chose que le mâle blanc, pour être clair», provoquant des remous dans «la réacosphère» où prolifèrent des sites de droite stigmatisant l’islam, l’immigration ou la délinquance.

Plutôt sommaire dans sa présentation, le site développe une rhétorique républicaine, avec Marianne en logo, et dénonce les effets d’une discrimination positive illégale et supposée galopante. Cible des critiques, l’article 3 de la Charte de la diversité, signée par 2 600 entreprises, qui incite les employeurs «à refléter la diversité de la société française et notamment sa diversité culturelle et ethnique». Jointe par Libération, Marine Le Pen estime que «Nicolas Sarkozy sape l’ADN de l’identité nationale française en organisant une discrimination ethnique qui favorise le communautarisme, ne prend pas en compte les inégalités économiques et fait passer l’homme blanc issu de milieu populaire en dernier».

Car c’est bien «le petit Blanc», comprendre le Français de souche et de condition modeste, que SOS Egalité veut toucher selon Sulzer. Sauf que, comme l’explique Simon Wuhl, sociologue spécialiste des questions de justice sociale (1), la discrimination positive à la française reste expérimentale et se fonde sur des critères socio-économiques et territoriaux. Le projet de Nicolas Sarkozy d’inscrire la diversité dans le préambule de la Constitution a finalement été abandonné, et la Charte de la diversité ne parle pas de discrimination positive mais d’actions pour réparer les discriminations négatives.

A partir d’un postulat nourri de propos ambigus et d’exemples montés en généralités, le FN organise une concurrence victimaire en plaçant le débat sur un terrain ethnique. Parallèlement, il poursuit son travail d’accaparement des symboles républicains et de gauche, entamé en 2007 avec le discours de Jean-Marie Le Pen à Valmy et poursuivi aux élections européennes cette année, avec une campagne d’affichage se revendiquant des socialistes Jean Jaurès et Roger Salengro.

(1) Discrimination positive et justice sociale, PUF, 2007.

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