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samedi 6 février 2010

[DEBAT] Données ethniques : une utilisation sous contrôle écarte-t-elle tout danger ? (Le Nouvel Obs)


Si la Ligue des droits de l'Homme se dit "satisfaite" du rapport remis au commissaire à l'Egalité des chances, Yazid Sabeg, la Licra, la CGT et SOS Racisme émettent de sérieuses réserves. Le comité pour la mesure de la diversité et des discriminations (COMEDD) a rendu vendredi 5 février son rapport sur les statistiques au commissaire à l'Egalité des chances, Yazid Sabeg.
La conclusion du comité est que les critères ethno-raciaux doivent être écartés des grandes statistiques publiques. Il indique en revanche que les chercheurs peuvent les utiliser, mais sous contrôle, dans des enquêtes ciblées. Pour le recensement, il propose d'introduire des données d'état civil sur deux générations, c'est à dire le pays ou département de naissance et la nationalité de l'intéressé et de ses parents.
L'association SOS Racisme voit d'un mauvais œil les conclusions du rapport. Dans un communiqué, elle s'interroge sur "l’utilité de collecter systématiquement, par l’Etat (…) la nationalité et le lieu de naissance des parents." Et dénonce "un agenda qui s'inscrit dans une logique de comptage segmenté de la population et pas dans une logique de lutte contre les discriminations."
"On n'est pas favorable aux critères ethno-raciaux, nous n'en voyons pas l'utilité", déclare pour sa part Alain Jakubowicz, président de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et les discriminations). "Je ne vois pas en quoi chercher l'origine des parents peut aider à lutter contre les discriminations. Ce n'est pas sur la victime qu'il faut se pencher, mais sur l'auteur", avance-t-il.


Enquête dans les entreprises


Le COMEDD suggère également que les entreprises puissent réaliser des enquêtes sur la diversité avec des méthodes comparables aux études sur la parité hommes/femmes, en se cantonnant à l'usage de données issues de l'état civil. Dans un communiqué publié sur son site, la CGT fait part de ses inquiétudes. Le syndicat "demande que la mesure des discriminations, nécessaire à l’action publique et dans les entreprises, ne conduise pas à une catégorisation 'ethnique' de la population."
"L’actualité montre les risques majeurs de stigmatisation des populations, surtout immigrées et issues de l’immigration. L’absence de recommandations protectrices est très préoccupante", est-il encore écrit.
Enfin, le syndicat plaide pour la création d'un "Observatoire des discriminations (…) au sein de la Halde, pour rassembler les statistiques sur les discriminations, dans le cadre de la loi, et suivre des politiques anti-discriminations mises en place. "


Ne pas se contenter d'observer


"Une entreprise qui veut faire un rapport de situation comparée sur l'origine de ses salariés devra faire réaliser l'étude par un tiers de confiance, qui utilisera les données de manière anonyme . La CNIL sera ensuite chargée de vérifier si les données sensibles sont correctement utilisées ", explique pour sa part Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), et membre du comité pour la mesure de la diversité et des discriminations. Malik Salemkour se dit "satisfait" du rapport. "Il est une boîte à outils pour ceux qui veulent vraiment changer les choses. Toute donnée peut être utilisée dès lors qu'il y a un contrôle de la CNIL et de la Halde", affirme-t-il. "Mais pour lutter contre les discriminations, souligne-t-il, il ne faut pas se contenter d'observer. Des actions structurelles sont nécessaires, comme par exemple empêcher la fermeture de classes de soutien dans les quartiers sensibles. "

La LDH veut "des données objectives"


Selon le président de la LDH Jean-Pierre Dubois, l'utilisation de critères ethno-raciaux par des chercheurs ne présente pas de risque de dérive "à condition que les études reposent sur des données objectives et non sur des fantasmes racistes." Celui-ci réfute d'ailleurs l'adjectif "ethnique", qui ne "veut rien dire".
La LDH se prononce par ailleurs contre l'introduction de l'origine et du lieu de naissance des parents dans le recensement. "Cela aurait un effet pervers, en créant des catégories stigmatisantes", avance Jean-Pierre Dubois.

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