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vendredi 5 février 2010

[SOCIETE] Vers une systématisation des statistiques de la diversité (Le Figaro)


Le Comité pour la mesure et l'évaluation de la diversité et des discriminations veut que soit créé un recensement par nationalité d'origine.

En plein débat sur l'identité nationale, revoilà les statistiques ethniques. Ce vendredi, le Comité pour la mesure et l'évaluation de la diversité et des discriminations, le Comedd, créé en mars à la demande du commissaire à la Diversité, Yazid Sabeg, va finalement rendre son rapport. Annoncé en juin, puis en septembre, puis en novembre… le texte fut sans cesse ajourné, faute de consensus. Mardi, plusieurs membres s'opposaient toujours à la principale recommandation : celle d'instaurer une mesure systématique de la diversité, que ce soit dans le recensement, mais aussi dans l'entreprise. Les discussions devaient donc se poursuivre sur la trentaine de recommandations déjà envoyées à Yazid Sabeg et que Le Figaro a pu se procurer.

En l'état, le Comedd estime que les statistiques sont «nécessaires pour mesurer les discriminations». Il pro­pose de retenir le pays de naissance des individus et celui de leurs parents, ainsi que leur nationalité à la naissance. Ces données «objectives de l'état civil» ont été préférées au «ressenti d'appartenance» que souhaitait instaurer ­Yazid Sabeg. Chacun se serait classé dans une catégorie «noir, arabe, blanc…». Cette grille a été jugée «ethno-raciale» par le comité, qui a soulevé le risque de figer les individus dans des identités ethniques, dans leurs différences. Le classement par nationalité d'origine présente l'avantage aux yeux du comité de ne pas heurter la loi. «Cela ne constitue pas un référentiel ethno-racial» qui a été écarté par le Conseil constitutionnel.

«Obsession ethnique maquillée»

Dans son projet de rapport, le Comedd suggère que la nationalité et le pays de naissance des parents soit inclus dans le recensement, «car les discriminations frappent au premier chef les descendants d'immigrés et des Français d'outre-mer». Mais loin de se satisfaire de ces données, qui permettraient de dresser un état des lieux, de faciliter les enquêtes plus pointues, le Comedd soulève aussitôt le cas particulier des presque 6 millions de personnes venues ou issues des pays du Maghreb.

Parmi eux, on compte des millions de rapatriés. Le Comedd suggère des «solutions techniques» pour les distinguer . Qui font bondir les opposants à cette «racialisation méthodique de la société : car comment différencier les rapatriés des Maghrébins, si ce n'est en posant des questions sur la religion ou sur une pseudo-race ?», s'insurge Gwénaele Calvès, professeur de droit et membre de la commission Alternative de réflexion sur les «statistiques ethniques» et les discriminations créée au printemps par des scientifiques «inquiets des graves conséquences de cette obsession ethnique maquillée sous des bons sentiments», souligne la démographe France Guérin-Pace de l'Ined . Il existe déjà de véritables enquêtes sur les enfants d'immigrés, a souvent rappelé Patrick Weil du CNRS. «Les statistiques ethniques ne sont pas un outil de connaissance. Elles n'ont de légitimité et de sens que pour accompagner des politiques de discrimination positive», ajoute le statisticien Stéphane Jugnot du Cereq. Officiellement, personne ne propose de politique à l'américaine.

Le Comedd plaide cependant pour la création d'un observatoire des discriminations, chargé de superviser des enquêtes, mais également de surveiller les entreprises. Toutes celles de plus cent salariés, a priori, devront afficher «la distribution du personnel par origines, uniquement d'après les pays de naissance ou les nationalités sur deux générations». Une comparaison sera faite «entre la structure du personnel et la main-d'œuvre disponible, en fonction du “vivier environnant”». La statistique publique aura la mission de rendre accessibles «des données de cadrage sur la distribution des origines de la population», précise encore le projet de rapport. Ce qui devrait inciter les entreprises à doser leurs employés en fonction de leurs origines pour refléter la population autour.

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